Le livre de l'été | Une littérature pour dire le bonheur | Ma tempête de neige, Thomas Scotto

À l'occasion de la fête de la littérature jeunesse, je vous parle d'un texte incroyable à lire cet été
Il y en a peu, très peu des textes portés uniquement sur le bonheur. Et pourtant il en existe. Quand on y réfléchit, c'est normal : pour déclencher une intrigue, il est nécessaire de mettre les personnages dans une situation qui va les pousser à agir et réagir différemment qu'ils l'ont toujours fait. Que fait-on faire à un personnage qui est déjà heureux ? Quels outils scénaristiques peut-on déployer pour raconter une telle histoire ? Sur un schéma narratif classique le personnage est bien là où il est, quelque chose le perturbe et l'histoire va être ce chemin pour en revenir à la situation initiale ou du moins à une autre forme de paix. Par exemple, c'est le cas dans Doregon de Carina Rozenfeld. Sur un autre schéma narratif classique, le héros est mal dans sa peau ou dans sa vie et son chemin va être celui vers le bonheur ou la résilience, par exemple dans Dis-moi si tu souris dont je viens d'écrire une chronique ICI. Bien entendu ces livres n'en restent pas moins extrêmement riches, bien construits et originaux, mais en découvrant l'an dernier Ma tempête de neige, j'ai fait la rencontre d'un texte inédit qui proposait, en un souffle, d'être directement dans ce sentiment puissant et très touchant qu'est le bonheur. Je vous en ai déjà beaucoup parlé, de ce petit roman sur lequel j'avais écrit ces quelques mots notamment (ICI) : "parfois un texte creuse légèrement en vous, et se fait une petite place pour se caler, s’y endormir, et vous faire un peu chaud au cœur. C’est le cas de Ma tempête de neige, qui bouscule et fait du bien, qui émeut et touche fort." Néanmoins, c'est un texte que j'aime défendre car il montre la force de la littérature qui vous habite et vous fait vibrer.

C'est l'histoire de Zacharie qui, à 19 ans seulement, va devenir père. Avec sa copine, ils n'avaient rien prévu. Mais quand Zacharie l'apprend, il n'y a plus que cet apaisement intérieur euphorique : il veut garder cet enfant. Ce livre est la déclaration d'amour tendre et d'une seule voix d'un père à son fils à qui il raconte déjà tout, et d'abord que même s'il ne sera pas parfait en père, ce sera un père aimant.

On peut saluer en premier lieu la finesse de ce personnage construit pourtant sur un texte très court. On cerne en quelques mots, avec son ton tendre et ses mots maladroits, le caractère de ce protagoniste attachant. Il est jeune mais loin d'être immature, intrépide mais pas inconscient, dragueur mais toujours doux, fêtard mais loin d'être bête.

Ce qui remue surtout, c'est l'habilité de la plume à dire le bonheur. Il est épais, profond et plein de nuances qui le rendent savoureux. Ce bonheur c'est celui étourdissant d'un père, celui fougueux de la jeunesse, celui pédant de celui qui a réussi en faisant ses propres choix, et celui délicat de l'amoureux.

Ma tempête de neige est un texte à lire quand vous avez envie d'être heureux. C'est un roman très court, en un souffle, élancé vers le bonheur, qui dit le plaisir de faire ses propres choix, et celui de devenir père.

Pour découvrir le début du livre, vous pouvez m'écouter le lire :



En cherchant dans mes lectures, je n'ai pas réussi à trouver une littérature comme celle-ci. Ma tempête de neige a ceci d'unique : un texte saisissant et touchant qui dit sans concession le bonheur, l'envie de choisir ce bonheur même s'il ne nous est pas autorisé. L'émotion qu'il transmet n'a rien de comparable.

Deux livres, même si ce sont des albums destinés au départ à une autre tranche d'âge (mais je trouve toujours délicieux d'entrecroiser les genres) et s'ils sont parcourus d'autre chose que ce bonheur brut, me semblent judicieux à placer près de Ma tempête de neige. Le jardin des ours et Santa Fruta partent tous deux d'un sentiment de frustration, celle de ne pas avoir trouvé la quiétude nécessaire pour s'accomplir, mais aboutissent aussi à une forme délicate de paix.


Santa Fruta raconte l'histoire d'un chat et d'un cactus séparés par des milliers de kilomètres mais qui ont tous les deux l'impression de ne pas avoir trouvé leur place dans ce monde. Le premier vit avec des humains qui ne sont jamais là car ils voyagent sans cesse, tandis que le deuxième vit seul au milieu d'un désert. Les deux humains, persuadés que leur chat va mal parce qu'ils partent sans cesse sans lui décident de l'emmener en voyage. Mais le chat n'a pas envie de voyager : ça lui plaît, lui aussi, de rester près du radiateur de l'appartement, raplapla toute la journée. Mais quand, au détour d'un voyage, il rencontre le cactus, il semble enfin à sa place. Et ça, même ses humains le comprennent. Alors le cactus lui fait une place à l'ombre et ils restent là, ensemble.
Santa Fruta, avec la plume tendre et le dessin très doux du duo Delphine Perret et Sébastien Mourrain qui avait déjà proposé le magnifique Bigoudi, dit le simple bonheur d'être là et d'avoir trouvé sa place. Délicieuse histoire d'amitié sur le partage, Santa Fruta raconte aussi comment le bonheur est parfois dans le fait de regarder et non dans de faire. Cet album apprend aussi à comprendre ce sentiment de mal-être au monde, celui d'être quelque part qui ne nous correspond pas. C'est un album qui raconte une belle et grande histoire, avec une narration efficace et rythmée, celle délicieuse de deux personnages extrêmement attachants qui se font tranquillement leur place dans le désert et qui décident de rester pour s'ennuyer ensemble.

Le jardin des ours est un délicat et bucolique album sur le deuil. Au milieu d'un jardin luxuriant et fabuleux que s'invente un petit ours, "sans puceron ni mouron, empli d'hortensias et de lilas double", ce dernier se remémore la douceur des après-midis avec ses deux grands-pères. Jusqu'à les faire revivre, un peu, entre les arbres, à faire la sieste ou à jardiner.
Fanny Ducassé (dont j'avais déjà parlé avec son album Louve) a ce talent étonnant d'être à la fois dessinatrice hors pair et écrivaine talentueuse. Ses mots sont bien choisis, à leur place, jamais en trop, et son dessin extrêmement minutieux et élégant est d'une originalité peu commune.
On s'attache avec une facilité déconcertante et émouvante à ces ours qui nous rappellent ceux qu'on laisse derrière nous mais qui nous ont fait grandir. Fanny Ducassé alimente avec une grande tendresse la mélancolie des souvenirs heureux et nous plonge dans ce bonheur si fragile de ce dont on se souvient
Cet album rare car il prend le temps de la contemplation raconte avec finesse ce jardin de souvenirs qu'il faut laisser fleurir. Ce n'est jamais mièvre, toujours très doux, et souvent touchant.

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Cet article a été écrit dans le cadre de Booktube et la Blogo en livre organisé pour promouvoir la littérature jeunesse, Booktube et la blogosphère à l'occasion de la grande fête du livre pour la jeunesse Partir en Livre. L'an dernier, j'avais participé au même évènement alors nommé Lire en Short en faisant deux vidéos (>>>).
Ma tempête de neige sera à gagner pour un concours flash demain, dimanche 31 juillet, sur le compte Instagram @BBenLivre !
Nous vous donnons rendez-vous demain soir pour un live de clôture sur la chaîne de Nathan, ICI ! Pour voir les autres articles et vidéos, pour ne pas louper le live de demain et pour participer au grand concours qui sera organisé après la fête, je vous propose de nous suivre sur Facebook ou Twitter !
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Les confidences rêvées d'un futur père à son enfant. Un monologue tendre et surprenant sur le désir de parternité, même quand on a dix-neuf ans et qu’on est toujours sur les bancs de la fac. Et même si le monde entier pense que ce n’est pas raisonnable. 

Éditions Actes Sud Junior, collection D'une seule voix
72 pages
9€


Dans le désert du Colorado, un cactus s’ennuie. À des milliers de kilomètres de là, un chat n’aime rien d’autre que de s’aplatir par terre à côté du radiateur. Suite aux conseils d’un psychologue pour chats, ses deux propriétaires décident de l’emmener dans les nombreux voyages exotiques dont ils raffolent. Pour le chat, être trimballé de pays en pays coincé dans une valise, c’est le pire des cauchemars. Jusqu’au jour où, en plein désert, le chat rencontre… le cactus. Une grande amitié tranquille et improbable est née.Le texte de Delphine Perret est émouvant, drôle et profond. Sébastien Mourrain l’illustre avec humour et finesse. Dans un monde ou tout va très vite, Santa Fruta souligne l’importance de savourer les petites choses du quotidien et de prendre le temps de s’ennuyer.

Éditions des Fourmis Rouges
40 pages
13€80

Les souvenirs dansent et se cognent dans la tête de ce petit ours, souvenirs des bons moments passés avec Papi et avec Pépé. Il s’invente alors un jardin, sans puceron ni mouron, pour les siroter et ne pas les oublier. Un jardin comme une maison où se retrouver, pour ne plus avoir peur de s’éloigner.

Éditions Thierry Magnier
38 pages
12€

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