Quelques bulles à savourer

Angoulême, c'était il y a une semaine... De quoi vous parler de trois BD marquantes, à découvrir au plus vite !


Attention GROS COUP DE CŒUR
Je crois, sans trop me tromper, pouvoir classer Louis parmi la catégorie anarchique – et souvent très difficilement définissable – des romans graphiques. En effet, la narration, très proche de celle d’un roman, se dispute aux classiques bulles et virgules narratives des bande-dessinées. Louis parmi les spectres est d’abord un très, très beau texte, qui raconte, sans pathos, l’histoire d’un jeune garçon au père alcoolique.

Ce texte est mis en lumières et en ombres par le trait fin et doux d’Isabelle Arsenault, qui, comme dans le premier album publié chez La Pastèque, se sert de l’aquarelle comme matériau inépuisable de poésie et d’émotions.

Ce roman graphique raconte ainsi avec justesse le tissu émotionnel d’un enfant tordu entre sa vie de jeune garçon – frère, ami et nouvel amoureux – et celle de fils perdu entre des parents séparés dont un père alcoolique.


On ne parle pas beaucoup de ça, dans des albums ou bande-dessinées pour la jeunesse, mais le pari est ici brillamment relevé. Avec douceur, tendresse et parfois bonheur, le texte comme l’illustration traitent l’histoire avec finesse et disent les difficultés de naître, de paraître et d’être, en tant qu’enfant, quand nos modèles parentaux sont brisés et fragiles.


Roman initiatique sous forme d’objet de contemplation, Louis parmi les spectres est d’une douceur infinie et d’une violence (émotionnelle, enfantine et nostalgique) étonnante. C’est sans doute un roman graphique qui restera gravé, là, quelque part.




Ba en a MARRE des bananes. Chez lui, on ne mange que ça et dans son village, c’est déjà la 10 422e fête de la banane. Autant dire que quand Haï, son ami, lui présente un nouveau fruit, la banane de terre, Ba est aux anges… et il a une idée ! Il décide d’aller dans la forêt interdite, ramener tout un tas d’autres espèces de bananes, pour préparer une fête de la banane… renversante ! Mais tout ne se passe évidemment pas comme prévu…


La Palissade, maison d’édition indépendante rochelaise, se lance dans la bande-dessinée avec tous les ingrédients qu’on a déjà aimé dans leurs albums :
- De l’humour et beaucoup de bonne humeur,
- Des personnages attachants,
- Et de nouveaux talents !

Ici, c’est en effet le coup de crayon d’une jeune auteure / dessinatrice, Margo Renard, qui nous invite dans un univers délirant et attachant composé de singes, de bananes et de dangereuses aventures.


 À vrai dire, le livre est savoureux grâce à l’univers, drôle, un peu absurde, avec des singes blasés et des bananes de toutes sortes. Cet univers avec un brin de folie amène avec lui des personnages caustiques et attachants, qui rappellent d’autres trios de bande-dessinées et emmènent avec eux tout un ensemble de codes humoristiques et scénaristiques de la bande-dessinée (jeunesse) reproduits avec brio… et sans oublier l’innovation : des cadrages originaux, des utilisations sympathiques du système de cases, etc.



Le coup de pinceau de Margo Renard est indéniable, même s’il a encore quelques maladresses, et sa narration dynamique, remplie de bonnes astuces. Néanmoins, cette jeune illustratrice très talentueuse propose une histoire parfois un peu trop classique. Ce qui est dommage c’est que l’auteure adapte souvent son style à la dynamique narrative : pour concentrer son lecteur sur l’histoire, elle simplifie parfois le trait, inscrit ses dessins dans une dynamique de gag ou de BD page-turner. Or si l’histoire ne suit pas, le dessin en est forcément plus faible également.

The Monkey Family est donc une BD jeunesse qui ravira les enfants et les plus grands. Malgré une histoire parfois faible, on ne peut être que charmés par cet univers délirant que l’auteure met en scène avec la fantaisie et l'intelligence d'un dessin pop, coloré et délicieux. On n'attend plus qu’une chose : une suite !

Avec une petite dédicace, juste pour le plaisir...

Pour vous parler de la bande-dessinée Contes & Rock'N'Roll, le premier album en solo de Maria Paz, on a décidé de s'y mettre à 2. Cette chronique, écrite à 4 mains avec Littlebishop (qui vous avait proposé en novembre un article sur les femmes et la bande-dessinée) vous propose un avis nuancé sur cet album, à la fois déçu (pour moi) et complètement réjoui (pour littlebishop et moi).

Les contes sont un matériau inépuisable de réécritures dans la bande dessinée. On pense, entre autres, à ces quelques incontournables :

Ceux de Maria Paz, d'abord décevants, ont néanmoins une causticité inépuisable à côté de laquelle on ne peut pas passer.
La BD est construite sous la forme d'un recueil : 4 contes (connus ou moins connus) repris et remis au goût du jour : un chat botté dans « Pussy Boots » part par exemple à la rencontre du Roi Elvis. Ces contes sont ainsi revisités par une auteure à l'imagination débridée... Vraiment ?

Non, l'imagination n'est pas si débridée. Jusqu'au troisième conte, la réécriture est minime. « Riquet » est par exemple trop rapide, avec une narration au rythme inégal.
Mais l'imagination est débridée dans son sens transgressif, unique et caustique. On rigole, on se réjouit de cet univers vraiment Rock'n'Roll.
Le dessin numérique n'enlève, pour sa part, rien à la richesse évocatrice de la tradition du conte, où les décors laissent aux personnages un très beau lieu de théâtre.
Le point fort du dessin est dans l'expressivité même des personnages, qui dégagent à eux seuls tout le décalage des réécritures. Finalement, le style fantasmé laisse même libre cours à l’interprétation.


Cet esprit rock-and-roll perdu dans les histoires plus faibles a ainsi beaucoup d'importance dans le texte et l'image et joue des codes culturels de ce genre populaire... Que dire du loup fan de Michael Jackson, qui ne peut s’empêcher… de danser ? Le dessin, résolument contemporain, peut perturber nos rapports à l’espace classique et aux perceptions qu’on en a… Jusqu’à la reprise du personnage du lapin, récurrent dans l’univers du conte, ici incarné dans une bande à grandes oreilles délicieusement drôle. WAKA WAWA NANE !


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Louis a onze ans, une mère qui a peur de tout, un père qui pleure quand il boit et un petit frère obsédé par la soul américaine. Louis rêve de déclarer son amour à Billie, une compagne de classe indépendante et solitaire. Mais dans la réalité, rien à faire : dès qu’il s’approche d’elle, Louis se tétanise comme un clou rouillé. Accompagné de sa famille, de son fidèle ami Boris, et de ses spectres (ceux du passé comme ceux de son monde intérieur), Louis apprendra la vraie définition du courage.

Éditions La Pastèque
160 pages
28€


Des bananes, encore des bananes, toujours des bananes ! Ce n’est pas facile d’être le seul singe de la famille à ne plus supporter ce menu monotone. Heureusement, Ba peut compter sur l’audace de son copain Haï et sur l’habileté de la turbulente Moh. Ensemble, ils s’apprêtent à vivre des aventures mouvementées dans la Forêt Interdite, en compagnie entre autres : d’une horde d’oiseaux irrespectueux, d’un panda déjanté, d’un tigre décrépi et de crocodiles affamés.

Éditions La Palissade
112 pages
14€90

Quatre contes classiques revisités dans un seul album : Le Chat Botté, Riquet à la Houppe, Le Petit Chaperon Rouge et Peau d’âne.

Le Chat Botté : Un paysan pauvre reçoit en héritage un chat fort intelligent. Grâce à différents stratagèmes le félin va convaincre le King Elvis que son maître est un grand seigneur digne d’épouser sa fille.

Riquet à la Houppe : Le pauvre “Ricky” est né très laid mais très intelligent. Heureusement la bonne fée lui a promis qu’il pourrait faire don d’un peu d’intelligence à la personne de son choix. Dans le royaume voisin, une princesse très belle mais aussi très bête attend son prince charmant…

Le Petit Chaperon rouge : Le petit chaperon rouge doit livrer un beau vinyle tout chaud à sa mère-grand, mais un loup fan de moonwalk et de Michael Jackson rôde dans les bois.

Peau d’âne :
 Une jeune princesse échappe au mariage forcé avec son père en revêtant la peau d’un âne.

Éditions Ankama
96 pages
13€90

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