31 chambres à soi #2 | Meg Rosoff par Florence Hinckel

Un portrait d'autrice par jour écrit par une femme durant le mois international des droits des femmes

À l'occasion du mois international des droits des femmes, 31 femmes d'exception vous proposent de partir durant tout le mois de mars à la rencontre de 31 autres femmes, toutes autrices, aussi talentueuses et impressionnantes que les premières.

Ainsi, chaque jour, pendant un mois, sur La Voix du Livre, découvrez un portrait d'une autrice, française ou étrangère, contemporaine ou historique, de littérature générale, jeunesse, musicale ou illustrée, écrit par une invitée, qu'elle soit autrice elle aussi ou bien illustratrice, blogueuse, chanteuse, dramaturge, comédienne, professeure, youtubeuse...

C'est parti pour un mois d'exploration de 31, voire 62, chambres à soi, ces lieux immanquables de littérature où les femmes trouvent, enfin, leur place.


Jour 2 : Florence Hinckel présente Meg Rosoff
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Oh là là, cette proposition m’aura fait beaucoup hésiter ! Non pour l’accepter (c’était un grand oui évident), mais pour choisir l’autrice. Tout ce champ de domaines possibles avec tant d’autrices talentueuses !
Face à un choix cornélien, j’ai finalement décidé d’écrire, une nouvelle fois, sur la littérature jeunesse. Parce qu’elle en a besoin. Ce domaine est hélas très méprisé et méconnu, en France. Il faut donc encore et encore en parler, pour mieux en faire connaître toutes les qualités... et parce que la défense de la littérature jeunesse rejoint la lutte féministe : trois quarts des ouvrages jeunesse en France sont écrits par des autrices (60% pour les romans de plus de 13 ans, d’après une base Electre des publications sur un an en 2016-2017), et on sait que tous les domaines très féminisés sont hélas peu valorisés par chez nous. Par ricochet, les enfants et les ados sont aussi méprisés (puisque s’occuper d’eux, ce serait un truc de femmes, on ne va quand même pas les valoriser, ni valoriser les lectures qu’ils adorent, n’est-ce pas ?).
Sur le groupe Facebook des Pépettes de Montreuil, créé avec les copines Clémentine Beauvais, Alice Brière-Haquet et Mélanie Decourt, j'avais déjà mis en avant les écrivaines jeunesse que j'appréciais le plus. La contrainte était qu’elles devaient être françaises. Alors je saute sur l’occasion de parler ici de la Pépette non-française que j’admire le plus ! J’ai nommé : Meg Rosoff.

Meg Rosoff a reçu en 2016 le prestigieux prix Astrid Lindgren mais je l’ai découverte cinq ans plus tôt. J’ai lu quatre de ses romans, parce que, happée par l’un, je n’ai plus voulu quitter son univers.
Si j’aime tellement cette autrice, c’est que toute la force de ses récits réside dans la folie de ses jeunes personnages. Des ados un peu fous, c’est plutôt audacieux en littérature jeunesse… mais très rafraîchissant ! Après tout, quel adolescent ne l’est pas ?

J’ai lu Maintenant c’est ma vie (qui fut adapté au cinéma), Si j’étais, La Balade de Pell Ridley et Ce que j’étais.

Dans les deux premiers, Meg Rosoff joue avec cet âge-clé, 15 ans, où subsiste la pensée magique de l’enfance et où s’ouvre en même temps l’infinie possibilité de la vie d’adulte. Le plus séduisant dans ces histoires est que l’autrice, manifestement, aime ses personnage enfants et adolescents, et qu’elle a un respect infini pour leur schizophrénie. Le fantastique n’est jamais loin dans le poids du réel, et même la science-fiction dans le premier — et si l’Angleterre entrait en guerre ? Sans cesse on se demande : les choses se passent-elles réellement, ou simplement dans la tête de l’héroïne ou du héros ? On se rend vite compte que : bah, peu importe. Le réel est ce que l’on en fait, et ces adolescents s’en sortent élégamment. Leur charme puissant en découle. Tout est dans ce jeu perpétuel au fil du réel. Pour le reste, hors personnages veux-je dire, Meg Rosoff sait diablement bien mener son récit. Son style a l’air simple de prime abord, mais il est fin et déroutant à force d’ellipses. Et elle refuse de faire croire aux ados que le monde est rose bonbon.


La Balade de Pell Ridley, quant à lui, passionnant et beau, nous présente un personnage féminin très fort et tout en nuances. Un personnage féminin rare... Cruauté, âpreté, et toute une époque y sont restituées.

Mais le livre de Meg Rosoff que j’ai préféré est Ce que j’étais. Alors là, total respect. Il est tout simplement magistral.
Un magnifique roman, parfois aux allures de Grand Meaulnes, maîtrisé de bout en bout, d’une intelligence rare et, surtout, si le thème vous paraît banal au début, n’abandonnez pas avant la fin qui vous réservera une surprise de taille (qui a fait mes délices !)
À glisser entre toutes mains d’ados ballantes et je dirais aussi d’adultes, à qui ça ferait un bien fou.
Il n’y a plus qu’à s’incliner, savourer, et tenter d’en tirer (en ce qui me concerne) quelques leçons d’écriture.


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Florence Hinckel a été professeure des écoles à Marseille, en Guyane et en Guadeloupe avant de se consacrer à l'écriture. Avec plus de quarante livres publiés, elle s'est imposée comme une autrice incontournable de la littérature jeunesse française. Elle est l'une des quatre auteur·rices de la saga U4. Sa dernière trilogie, Le grand saut, a été très remarquée et impose Florence Hinckel comme une écrivaine à l'œuvre aussi éclectique en formes qu'en thèmes. La romancière tient aussi un blog, La petite mécanique, sur lequel elle parle de son métier, de la littérature jeunesse, de féminisme et de beaucoup d'autres sujets qui lui tiennent à cœur.
Sur le blog, découvrez mes chroniques de Ma mémoire en mi, de Hors de moi et de Théa pour l'éternité ; mes interviews de Florence Hinckel  et ; sa participation au Cadavre exquis du blog de 2016.

Commentaires

  1. J'ai envie de dire : Amen ! Si avec ça, ceux qui ne connaissent pas Meg Rosoff n'ont pas envie d'un plonger un oeil... Et je partage ton avis pour le personnage de Pell, une héroïne extra. Ah, encore une journée qui commence bien grâce à ces quelques lignes. Merci :)

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    1. Ado j'avais découvert Meg Rosoff en lisant Si jamais, et je n'avais tellement pas aimé que j'avais arrêté avant la fin... donc maintenant je n'ai plus qu'une envie : m'y replonger !

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    2. Il est peut-être plus difficile d'accès que "Maintenant c'est ma vie" ou Pell Ridley, c'est vrai. Les 2 Black Moon avaient été plus durs à lire pour moi aussi, mais j'y ai repensé, souvent, et ils ont pris une autre saveur après. Très étrange, mais ça souligne le caractère unique des écrits de Meg. Ils marquent et restent. Mais "Maintenant c'est ma vie" fut pour moi LE véritable coup de coeur (et la couv de l'époque, celle du poche) était magnifique).

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    3. D'accord il faut vraiment que je (re)lise tout ça ! Merci :)

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  2. Vive le mois de mars ! :)
    Très chouette présentation, deux pour une !
    Je ne connais pas du tout Meg Rosoff, je note dans un coin de ma tête !

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