Les fourmis rouges : une fourmilière d'inventivité !

Quelques fourmis rouges trouvées sur mon chemin : de la beauté, du souffle, de l'inventivité, des merveilles !

Les fourmis rouges est une maison d’édition indépendante jeunesse qui sait de plus en plus faire parler d’elle. Je l’ai découverte par hasard, grâce à mon jumeau Nathan qui a ramené de Montreuil quelques beaux albums et qui m’a sorti, avec simplicité, dans le train : « tiens, j’ai rencontré Brune Bottero ». Alerté par le nom de la co-fondatrice et intrigué par ces fourmis rouges que j’avais déjà croisées au détour de mes stages et de salons du livre (grâce à la chaise de Pablo ou le voyage de Peter et Herman), je me suis un peu penché sur la question… Et ce que j’ai découvert sur le dos de ces fourmis piquantes et vives, c’est de la beauté, c’est du souffle, c’est de la modernité, c’est du style, c’est du travail, c’est des merveilles ! Voici quelques fourmis rouges que j’ai trouvées sur mon chemin…

Didgeridoo est l’OVNI particulièrement contemplatif de la maison. Frédéric Marais est un auteur qui m’avait déjà intrigué avec ses albums chez Thierry Magnier, sans que je ne m’intéresse à son trait moderne et précis, avec ces illustrations aux aplats de couleurs étonnants et reconnaissables en un coup d’œil. Et quelle faute que de ne pas m’être penché plutôt sur son œuvre ! Parce qu’avec Didgeridoo, cet album qui remonte aux racines ancestrales du monde et de la musique, on s’émerveille devant une telle réussite graphique et devant un texte si profond. Les fourmis rouges ont en fait ça de particulier de proposer des illustrateurs uniques, aux styles graphiques jamais vus, alliés à un texte généralement très bons. Ici, c’est un sans faute. Les dessins, avec ces deux couleurs explosives et profondes, racontent très bien la beauté de la naissance du monde et de celle impétueuse de la musique. Le texte, avec sa poésie épique comme venue d’un autre temps nous raconte, dans une incroyable ode à la musique comment le ciel est né et comment le monde a commencé à danser. Un album contemplatif et poétique.

 Dans un tout autre style graphique, Sébastien Mourrain et Delphine Perret nous proposent un album en noir et jaune, où la subtilité s’allie à l’émotion. Ils racontent l’histoire d’une petite vieille, Bigoudi, qui n’a pour seul compagnon de vie son cher et tendre Alphonse, un petit chien attachant et sympathique. Mais vient le triste jour où celui-ci, comme le veut la nature, rend son dernier souffle. Accablée, Bigoudi s’enferme chez elle et se refuse au monde, à ses amis de New York, et à la vie derrière la porte… Les auteurs abordent ici le thème du deuil armés d’une pétillance certaine qui s’allie au pathétique, affirmé avec tendresse et douceur. Loin de l’album jeunesse didactique et antipathique, loin du lyrisme à la Orphée, on plonge dans une histoire empreinte d’humanité, où la joie de vivre se bataille à la tristesse de perdre. Le dessin subtil et fin s’allie au texte juste et élégant qui nous parle de notre attachement si singulier aux autres et la peur terrible de les voir partir. Et Bigoudi, simplement, nous séduit par sa candeur et son humanité.


Le dernier paru chez Les fourmis rouges, en 2016, oppose Nip et Nimp, deux personnages décalés et drôlement attachants, dans leur journée quotidienne un tant soit peu barrée, du moins pour l’un. Parce que là où Nip fait tout correctement, Nimp fait tout n’importe nawak. Dans cet album au graphisme grossier et clinquant qui fonctionne à merveille – on est séduit dès le début – l’absurde règne et rigole. Lionel Serre joue très bien du système de la double page pour créer le comique : là où l’un fait ceci, l’autre fait cela. C’est (presque) pareil, mais quelque part, quelque chose cloche. Le jeu avec les mots est inégalé, les traits des personnages exquis et le comique irréprochable. Le rire vient, à chaque page, sans qu’on n’y puisse rien. Un condensé incroyable d’humour candide où la différence a du bon.

Dans cette idée ludique, Les fourmis rouges nous apportent aussi une histoire drôle et attachante qu’on rencontre sur la Troisième branche à gauche. Une petite fille, toute espiègle et furtive, furie rousse pleine d’enfance, part à la recherche de son chat dans un arbre infini. Elle y croisera une fresque riche et colorée de personnages qui la guideront sans cesse vers son chat perdu. C’est joli, drôle, plein d’imagination. À chaque page, vous vous amuserez à retrouver ce que le personnage de la page précédente ou de celle d’avant a perdu (une écharpe par exemple) sans jamais trouver ce chat qu’on finira, peut-être, par apercevoir… mais avant ça, il y a bien des branches à parcourir. Les couleurs pastels s’allient très bien à l’histoire tendre et attachante de l’enfance qui joue à cache-cache. Tout un monde se faufile dans cet arbre qui rappelle sans nul doute que l’enfant qui grandit se perdra dans un monde curieusement fou à parcourir. Ce n’est pas le meilleur, il est peut-être plus classique que les autres albums, mais c’est un délice pour les yeux et un vrai plaisir à lire !


Pour finir, de l’humour à l’état brut et un graphisme encore différent : Panique au village des crottes de nez ! Ce condensé d’impertinence n'a rien à envier au Caca boudin de Stéphanie Blake et a même tout pour s'imposer en rival ! Plus osé encore, plus inventif surtout, Panique au village des crottes de nez est un album qui ramène à l’enfance, à son côté cracra et sa folle faculté à rire de tout. Cette famille attachante, doucement installée, se voit soudain obligée de partir pour trouver une autre maison parce que le doigt a saccagé leur vie et menace leur survie. Dans ce road-trip folichon dans un corps humain devenu paysage drôle et sympathique de dessin-animé, on rigole à chaque page, on s’émerveille de folie. C’est un album au style graphique unique aussi, enfantin et coloré, où la richesse des couleurs s’allie à celle des tons du texte, et de son style comique. Un album inventif et esthétique, qui n’a pas son pareil dans la littérature jeunesse !
 
Si vous ne trouvez pas votre bonheur ici, c’est que vous êtes un peu difficile ! Vous pourrez aussi découvrir l’inventif et turbulent Pablo et la chaise ou les riches Aventures improbables de Peter et Herman, ou encore les délicieux Farfelus et leurs différences rassurantes. Vous l’aurez compris, le catalogue des Fourmis rouges est un coffre à trésors, une mine à pépites, drôle, inventif, vivant et, à nul autre semblable, plein d’humanité. Un vrai coup de cœur !

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Au début du monde, il y avait si peu d’espace entre le ciel et la terre que les hommes devaient se tenir à quatre pattes et ramper pour se déplacer. Mais un jour, un garçon trouve un morceau de bois bien droit et solide et décide de l’utiliser pour repousser le ciel de toutes ses forces. Le ciel remonte, jusqu’à ce que les arbres aient la place de pousser, les kangourous la place de sauter. Il pousse encore, jusqu’à ce que s’élèvent les montagnes. Dans ce long bâton creux, le garçon souffle puissamment et la musique jaillit… Avec le talent qu’on lui connait, Frédéric Marais se plonge à l’origine du monde et de la musique. S’inspirant de l’art aborigène et réduisant sa palette à un bleu profond et un orange vif, il nous offre un album splendide.

32 pages
16€50
Chaque jour, les petits rituels se succèdent pour Bigoudi, retraitée dynamique, et Alphonse, son chien : le café chez Luigi, la balade au parc, le thé-poker chez Beatrix… Mais un jour, Alphonse pousse son dernier soupir. Bigoudi décide de ne plus voir personne. À quoi bon s’attacher aux gens si c’est pour les perdre comme Alphonse ? Mais des îlots d’humanité, chaleureux et douillets, résident même au coeur de l’effervescence citadine, évoquant ici la ville de New York. Un album qui aborde avec justesse et humour les thèmes de l’attachement et du deuil.

40 pages
13€80

Nip et Nimp sont très similaires, et complètement opposés ! Si Nip exécute soigneusement les tâches du quotidien, Nimp fait tout de travers. Dans cet album carré, Lionel Serre met en scène avec humour ces deux personnages à la fois identiques et opposés. Les doubles pages forment un jeu de miroir : Nip à gauche et Nimp à droite. En jouant sur des expressions très simples, Lionel Serre offre à ses lecteurs un décalage hilarant. Lorsque Nimp sort la poubelle, il le fait comme Nip sort son chien (donc en tirant la poubelle au bout d’une laisse). Ce basculement subtil donne lieu à un comique de situation que même les plus petits pourront comprendre.

48 pages
14€00
Une petite fille joue avec son chat en attendant son papa. Lorsque le chat bondit dans l’arbre, la petite fille grimpe à sa poursuite. De branche en branche, la fillette traverse de multiples décors, habités par une galerie de personnages, tous à la recherche d’un objet perdu. À ces improbables rencontres (ver de terre, patineurs artistiques, teckel à poils long, baleine…) l’enfant demande « As-tu vu mon chat? », et les personnages lui indiquent un chemin, tout en la questionnant sur l’objet qu’ils ont égaré. Une ascension épique et onirique, dans un univers graphique à la fois délirant et plein de douceur. Cet album aux lectures multiples ressemble aux histoires que s’inventent les enfants qui attendent, rêves éveillés à l’imaginaire débridé, dans lesquels un arbre est un monde.

40 pages
16€50

Au village des crottes de nez, la famille Loulou (Henri, Josiane, et leurs enfants Mimosa, Tina et Bernard) habite une jolie maison-nez. Tout va super bien, jusqu’au jour où la maison-nez de Papy-Boulette est saccagée par un doigt géant… La panique envahit le village, et la famille Loulou décide de s’exiler vers un lieu où jamais le doigt ne pourra les trouver. Aidée par une mouche agent immobilier, la famille Loulou se lance dans l’exploration du pays afin de trouver la maison idéale où s’installer. Dans cet album irrésistiblement drôle, Mrzyk & Moriceau nous embarquent dans une aventure rocambolesque et totalement loufoque. Les personnages verts et tout en rondeurs sont hilarants et raviront indéniablement les petits lecteurs. Les paysages enchantés du pays des crottes de nez prennent vie dans un graphisme riche et coloré, inspiré de l’illustration des années 70, très proche de l’univers des Barbapapas ou des Moomins.

32 pages
14€00

Commentaires

  1. Merci pour cet article complet qui incite à la découverte ! Il est très bien fait et j'ai terriblement envie de me plonger dans le catalogue de cette maison d'édition. Bigoudi me donne particulièrement envie.

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    1. Wah merci c'est très gentil ! Oui c'est un bel album, avec pas mal de texte et d'une grande délicatesse ♥

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  2. Des albums qui m'ont l'air magnifiques, merci beaucoup pour la découverte car je ne les connaissais pas du tout :D Et bravo pour l'article qui est très bien réalisé :)

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    1. N'hésite pas à les acheter alors ;) Merci !!

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  3. Bigoudi est un vrai coup de coeur pour moi ( en plus c'était le surnom de ma petite mamie !!)

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  4. Réponses
    1. Haa oui autant pour moi !!! ;) Et les autres alors ! Ces deux auteurs sortent un nouvel album qui est ravissant ♥

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    2. Santa Fruta : l'histoire d'un cactus et d'un chat ! ♥

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