"Le cancer. Les grands mots. Les mots qui font mal. Les mots qui n’ont jamais de fin heureuse."


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Par Matthew Crow
Aux éditions Gallimard Jeunesse - Collection Scripto
320 pages
11,90 €

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                On entend déjà les yeux qui commencent à pétiller parce que « oh ça me fait penser à Nos étoiles contraires » ou les éternels râleurs qui préparent leurs soupirs parce que « oh c’est pas vrai encore le même livre que tous les autres ». Effectivement, on ne peut pas louper le coup marketing sur la quatrième de couverture « Pour ceux qui ont aimé Nos étoiles contraires », mais bon, on leur pardonne c’est un peu vrai. Ce roman qui met en scène un duo de leucémiques cancéreux amoureux de la vie et de l’autre ne peut qu’intriguer sur le coup… pourquoi faire la même chose ? Mais Sans prévenir n’est pas ce à quoi s’attend : ce n’est pas le livre drôle puis déchirant d’un amour qui se détruit mais s’attache à la vie, c’est l’histoire tendre et lumineuse d’un héros désopilant, qui tombe malade, puis amoureux, et qui doit s’en relever.


                Francis Wootton, le héros, a des goûts particuliers (il aime les vieux films, le rock et la romance) mais n’a pas beaucoup de caractère. Il est ce garçon un peu pathétique qu’on croise des fois, qui vit au sein d’une famille un peu folle mais attachante, et ne s’en préoccupe pas plus que d’avoir des amis ou de s’intéresser aux mêmes choses que tous les ados de son âge. En fait, dès le début, Francis nous entraîne avec une désinvolture non calculée dans son univers excentrique : très vite on s’y attache, tout en le prenant de pitié, et son côté marginal nous rappelle le nôtre, celui qu’on a tous, et qui est plus ou moins présent. A lui seul, il fait le livre : un brin touchant, éternel romantique, hilarant et désinvolte. Comme le voulait Matthew Crow, il est le héros dans lequel on a toujours voulu se retrouver, ce héros un peu banal, qui est soit trop coincé, soit pas du tout parfait, soit trop ailleurs pour même s’en rendre compte.


                Quand il rencontre Ambre, la surprise n’étouffe pas : il tombe amoureux. Si on aura du mal à saisir durant tout le livre s’ils sont vraiment sérieux ou si cet amour un peu excentrique, envolé et dérisoire n’est pas un simple moyen de vivre un peu plus, dans cette légèreté tendre ; on comprendra bien vite que c’est ce qui fait du roman sa finesse, et son émotion : on sait comment ça finira, on sait que cette apesanteur ne durera pas, mais c’est beau, et juste


                Ainsi, Sans prévenir est un roman insouciant, du bonheur à l’état pur, lumineux et fin, qui ne nous parle pas de la mort mais de la vie. Il nous invite à en contempler sa grâce dans son instabilité, et plus encore sa force dans ses rainures lumineuses, ces instants de pure folie qui gerce les douleurs et entaillent les doutes. Ambre et sa colère, ses carapaces dures et sauvages, cachent un jeune fille vulnérable qui ne surprend pas vraiment, mais cette douleur qu’elle apporte à la lecture n’est pas faite pour se perdre, mais pour se trouver. Matthew Crow avec un optimisme sans failles veut nous ramener à la vie. Il nous montre que ma mort n’en est qu’une partie, mais ce de façon drôle, armée, et que la vie est faite pour continuer à faire vivre les autres.


                En conclusion, Sans prévenir est le roman de ce début d’année : hilarant, parfois dur mais pour mieux saisir les personnages dans leur complexité, et notamment dans celle désarmante de Francis. Loin d’être un roman sur la mort et sur l’amour, c’est la quête d’un jeune homme vers l’amour, la vie et plus encore vers la lumière. Ça pétille, entre les failles de l’humanité qui se désenchante parfois, qui se fait mal, et ça l’éclaire avec justesse.

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- Des personnages loufoques et justes
- Une histoire sensible
- De l'émotion
- Hilarant, frais, vivant

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Le roman de ce début d’année : hilarant, parfois dur, mais vivant.


« Une époque commençait. Une autre prenait fin. » p14

« L’une des premières choses qu’on apprend, c’est que les gens meurent. Plus tard, on commence à apprendre pourquoi. Ca commence par la question de la vieillesse. C’est encore acceptable, c’est une chose que tout le monde finit par supporter, le plat du jour au grand buffet de l’immortalité. On nous apprend que les gens mènent de longues et heureuses vies. Et puis qu’ils se fatiguent. Et alors, ils s’arrêtent, ils s’endorment, pour toujours. C’est pourquoi les grands-parents sont tellement utiles. Pour la plupart d’entre nous, la première mort, c’est celle des gens qu’on s’est toujours attendu à voir mourir. C’est à laquelle nous avons été préparés dès le premier jour.

                Et puis, on en apprend un peu plus. Les armes à feu. La guerre. La maladie.

                Le cancer.

                Les grands mots. Les mots qui font mal. Les mots qui n’ont jamais de fin heureuse. » p49

                « A l’époque où j’apprenais des tas de mots compliqués, j’avais tendance à les mettre à toutes les sauces jusqu’à ce qu’ils perdent leur splendeur, comme une pièce rare qui se ternit à force d’être manipulée. Une fois, j’ai rempli un formulaire en mettant six fois le mot « superfétatoire » dans le paragraphe réservé au commentaire final, lequel ne comptait que trois lignes imprimées.

Quand j’ai compris que « magnifier » voulait dire embellir, je n’ai plus rien dit d’autre pendant trois semaines. A Noël, j’ai annoncé à grand-mère que j’allais magnifier le sapin avec maman et que j’avais sélectionné une palette de décorations or et rouge et que son gâteau magnifié était resplendissant (encore une trouvaille de cette époque-là).

Les choses ont été un peu différentes quand j’ai découvert les gros mots, et surtout quand j’ai compris ce qu’ils voulaient dire. Je les gardais secrets, comme le dernier carré de chocolat au cours d’une traversée en mer, et quand il n’y avait plus personne pour m’entendre je les laissais rouler et fondre au bout de ma langue. Cette habitude s’est trouvée coupée net quand Mme Lyle, qui habitait au quarante-deux, est allée ramasser des mûres un jour et qu’elle m’a entendu marmonner tout seul mon refrain « branleur… branleur… branleur… branleur… ». Elle a décrit la scène à ma mère, pour l’informer que j’avais sans doute un syndrome de Gilles de la Tourette non diagnostiqué. J’ai été interdit de sortie pendant une semaine et on a enlevé la télé de ma chambre.

Quand on m’a annoncé que j’avais un cancer, le mot a pris une qualité nouvelle. Il devenait chargé, plein de potentiel. Il ne manquait jamais de provoquer une réaction. Pourtant, ce n’était jamais la même réaction deux fois de suite, et c’était un problème. Alors, j’ai arrêté d’en parler. Je l’ai gardé pour moi, comme une nouvelle coupe de cheveux ou une paire de chaussures de sport trop stylées jusqu’à ce que je n’aie plus peur de sortir avec. Le mot n’était pas naturel dans ma bouche, il me gênait comme ce moulage en gomme qu’on vous met sur les dents avant  de vous poser les bagues si redoutées. Assis sur mon lit, je m’entraînais à le répéter, je le sentais se coincer dans ma gorge et j’essayais de trouver le ton juste et la bonne sonorité. Au début, c’était douloureux, mais ça devenait plus facile, plus naturel. C’était comme une écharde qui s’échappe enfin d’un doigt qu’on a baigné longtemps.

Mais, bien sûr, ce n’est pas resté secret très longtemps. » p54-55

« Mais avec Ambre, tout devenait différent : les choses n’étaient importantes que si elles les connaissaient, elle les enregistrait dans sa mémoire pour les garder à côté des choses qui comptaient pour elles ; si elles devenaient ses souvenirs à elle. Comme si pour exister, j’avais besoin qu’Ambre sache exactement qui j’étais et qu’elle me connaisse mieux que quiconque. Sans ça, rien ne semblait vrai. » p116/117

« -Tu sais ce qu’il y a de mieux avec les étoiles ?

- C’est quoi ?

- Elles sont mortes mais on peut quand même les voir. Quand on regarde le ciel, on regarde des millions de souvenirs, des millions de versions différents quelque chose qui était là avant. Et ce n’est même pas romantique, c’est de la science.

J’ai voulu argumenter :

- C’est un peu romantique aussi.

- Non, ça ne l’est pas. C’est réel, et c’est ce qui est important.

Elle m’a embrassé sur la joue. » p143

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Commentaires

  1. Un livre qui a l'air vraiment bien ! Très envie de le découvrir =)

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  2. Tellement de livres sur ce thème en ce moment... et pas l'envie de pleurer... même si tu parles de rire, je préfère m'abstenir pour le moment !

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    1. Je comprends mais on pleure un peu mais très peu ♥

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  3. Très belle chronique ♥
    Je suis assez d'accord avec ton avis

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