"Garder sa dignité contre les humiliations de la vie."


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Par Marie NDiaye
Aux éditions Gallimard (ou Folio)
320 pages
19,30 € (ou 7,90€)

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                Trois femmes puissantes a reçu en 2009 le prix Goncourt, grand prix de littérature qui se doit de récompenser « le meilleur ouvrage d'imagination en prose, paru dans l'année ». S’il récompensait ici un livre bien écrit, avec une prose certainement assez autoritaire et travaillée pour s’affirmer parmi une ribambelle de romans, il y a peut-être quelque chose qui nous échappe en refermant ce roman. Certes il a cet engagement dont nous reparlerons, certes il ose et s’affirme par des marques et une écriture disciplinée, mais il n’emporte pas, il imagine mais n’emporte pas assez. Retour sur un roman récompensé, mais peut-être pas si méritant.


                Le titre l’annonce bien, ce roman racontera l’histoire de trois femmes. En fait, on a affaire à un triptyque d’une centaine de pages chacun (plus ou moins), qui content des histoires différentes. Néanmoins, si on y reconnaît les trois femmes, le chiffre trois qui prend son importance sans vraiment de symbole, la compréhension formelle du livre s’arrête là. On a du mal à comprendre en quoi cette prose revient à ne former qu’un seul roman si ce n’est que quelques liens sont disséminés ici et là, ou que l’on peut tout simplement imaginer qu’une raison quelconque mais quelque peu pédante qui irait à discuter de l’appellation roman a été assez noble pour marquer ce mot sur la couverture blanche de Gallimard. Ainsi, on a plutôt affaire à trois récits distincts qui ne content pas trois femmes mais deux femmes et un homme, car, en effet, la seconde histoire, quand on y parvient, nous demande réflexion quant à l’idée d’aborder ici le point de vue de l’homme. Cela ne signifie certes pas que l’homme y prend son pied en importance et en puissance au niveau littéraire, mais il en reste le personnage principal et touche finalement plus que la femme elle-même, dans son dévouement, sa perdition et sa narration maladroite mais saisissante.


                En fait, ce livre a la force de nous toucher, et c’est déjà là que Marie NDiaye réussit, en arguant des personnages plus que réels, qui basculent dans une narration minutieuse et tremblante de réalité, et non dans un pathos larmoyant. Elle raconte ses femmes - et ses hommes - d’un ton loyal, avancé, sûr, mais touchant. Il faut néanmoins s’accrocher un peu, parfois, pour espérer continuer de façon sûre ce roman, et si le rythme manque un peu, l’émotion rattrape la cadence traînante du livre, en nous saisissant dans la chute de trois destinées.


                C’est peut-être là que réside toute l’habilité de l’auteur. Les trois femmes puissantes qu’on attendait nous paraissent tout d’abord bien ternes, notamment pour la seconde qui arbore une force et une détermination froides, en nous laissant à voir une puissance ramenée à la force du vouloir de la domination sur l’Homme peut-être. En creusant, on y trouve plus que cela, c'est-à-dire la force du vouloir de ces femmes, tout simplement. Dans leurs faiblesses, qu’elles soient une éducation, un homme ou une perte, ce sont trois femmes qui mélangent un peu tout cela, et qui dans la perte d’un être, confrontées au bon vouloir des hommes, dans les faiblesses du moment, affirment leur liberté, leur libre-arbitre, et posent ainsi leur puissance.


Finalement, notre monde est un monde vaste et fait de milliers de vies liées et décroisées chaque jour, voilà peut-être en quoi Marie NDiaye tient à appeler son œuvre un roman. Elle nous confronte de plein fouet à ces vies qui affirment leur puissance de femme et ce dans des contextes souvent difficiles et qui plus est pauvres. En effet, ces femmes sont d’Afrique et dans leur condition difficile content, en plus de la déperdition de vies face à la perte de l’homme ou sa puissance trop hégémonique, l’horreur de guerres, l’horreur de voyages trop longs et meurtriers, l’horreur d’esclavages, l’horreur de soumissions… Elle raconte les souffrances humaines dans leur amplitude,  et l’histoire de femmes uniques dans un voyage introspectif incroyable. Malgré une lecture parfois fastidieuse et presque fade, l’auteure écrit une prose remuante, engagée et humaine.

               
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- Une écriture juste
- Un thème fort abordé avec sensibilité
- Des femmes touchantes


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- Parfois long, un tant soit peu ennuyeux
- Du mal à s'attacher



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Un roman fort, original, mais pas si méritant.

Et les autres ?
D'autres critiques !
  • Télérama >>> "Déployant, sous couvert d'une écriture veloutée, savante et pré­cise, sans haussements de ton, d'une simplicité éminemment exigeante, une vision terriblement juste, concrète, digne et poignante de l'humanité souffrante."
  • L'Express >>> "On referme ces pages, sonné, groggy. Et l'on reprend l'ouvrage, crayon à la main, histoire de s'imprégner des subtilités de la prose de la sorcière NDiaye."
  • Le Magazine Littéraire >>> "À travers ces destins à peine croisés, l’écriture de NDiaye a l’excellence de dire l’indicible : la violence avec douceur, la complexité avec évidence, la rancune avec l’oubli, le sourire par les larmes, la résignation avec dignité, la faute et le pardon, la cruauté et l’innocence. Et le mystère des anges, le présage des oiseaux, la volupté primitive de dormir à la cime des arbres. Noir sur blanc."

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