"En un sens, c'est encore Nada#1 qui joue. Il faut que nous terminions sa partie."

                On avait laissés nos héros en plein combat, à la fin du tome 1 de Réseau(x), qui nous avait déjà tant déchirés par ses pertes, ses morts injustes, sa fin inattendue. Si le premier tome apportait une intrigue sombre, des réflexions terrifiantes de vérité sur notre monde finalement pas plus lumineux que celui décrit dans le roman, le tome 2 va finalement peut-être de l’ombre à la lumière. Il ne délaisse pas pour autant son intrigue explosive et parfois sanglante, et la déchéance d’un monde connecté qui s’évertue à rester debout, mais ne trouve dans ses coins trop sombres que la possibilité plus grinçante encore d’abandonner le combat. Et pourtant les personnages, s’ils sont marqués, s’ils sont maintenant infirmes d’une vie trop douloureuse, avancent, boiteux, pour rétablir la vérité. La justice. C’est en ces beaux mots, pleins de force, que résonne toute l’intensité de ce second tome.


                Ainsi, au début de ce tome, on ressent dans les mots toute l’urgence de la situation, l’aggravement d’un monde en déperdition. Tout s’accélère de manière notable, et entrent en jeu des éléments qu’on n’avait pas encore soupçonnés. Dans la gravité de ses mots, retentit la peur, la frayeur de ce monde détruit ou en train de l’être, et Vincent Villeminot nous convainc du sérieux de son histoire, avec son poids des mots, parfois froids, parfois sentimentaux, mais dans tous les cas marquants ou sensibles. En fait, il use d’une intrigue moins rythmée, plus ralentie dans l’importance du moment, pour nous offrir de tels sentiments qui nous étreignent ou nous font trembler. Il use de ses mots en armes, il use de toute la force de son art pour construit avec application un récit excellent.


                Aussi si Vincent Villeminot fait retentir dans son roman toute l’importance du moment, en bâtissant sur ses mots puissants un récit éloquent, il reprend les mécanismes du tome 1 avec brio. On retrouve les réseaux sociaux, utilisés ou détournés avec soin, on retrouve les vidéos ou les buzz de la Black Clowns Army, ici plus psychologique, avec un combat plus arrêté, plus légal, et aussi l’alternance sans cesse des points de vue, des personnages, pour étendre à tout le réseau notre vision de l’histoire. Et s’il réutilise ces procédés avec toujours autant de tact c’est qu’il sait les adapter à l’histoire : c’est plus fragile, plus chancelant, incertain.


                En fait, le second tome est bien plus psychologique que le premier. On retrouve les personnages avec l’émotion de retrouver une famille, mais une famille déchirée, et pourtant délicieusement attachante. On continue à suivre chacun mais de manière plus poussée, et plus lente parce que plus introspective. Dans le premier tome, on était parfois un peu loin des personnages, indéchiffrables. Une vie n’est pas aussi facile à comprendre qu’une vie sur un réseau, c’est bien plus compliqué qu’une page Facebook ou une page DKB, semblait nous dire l’auteur dans son intrigue marquante. Il abordait la question des réseaux et de ses liens avec la vie, avec les adolescents surtout. En quoi les utilise-t-on, en quoi nous sont-ils vraiment utiles, mais surtout avec beaucoup de puissance en quoi nous nuisent-ils ? Ainsi, dans cette suite, il s’écarte un peu d’eux pour montrer les personnages dans une vie plus réelle, et ainsi plus remuante. On voit l’amour qui s’immisce enfin entre Théo et Sixtine, et peut-être d’autres naissants, incertains, précaires, entre plusieurs couples. On voit aussi une cadence de boiteux, qui cache une détermination effarouchée par la vie, par la mort, par l’amitié perdue. On voit peut-être une folie attachante, sensible, presque touchante. On voit une détermination froide, tatouée, sans peur, construite sur l’amour d’un frère, soutenue par des amis inquiets, et peut-être trop fragile. On voit tout ça dans les personnages, et ça agite, ça touche. Dans toute son humanité ce monde de personnages nous fait chanceler entre ombres et lumières.


                Ainsi ses personnages avancent boiteux, marqués, mais veulent aller jusqu’au bout dans un combat sans merci. C’est ce qui marque le plus dans ce second volet : il y a la mort, les blessures, les déchéances, mais toujours cette envie d’avancer. Mais pour quoi veulent-ils avancer ? On pense d’abord aux Nadas (« Nous sommes Nadas ») qui veulent continuer de jouer, au prix de tout, au prix de se moquer d’un monde laid et infâme. La BCA veut continuer à se battre, à exister et à jouer sa vie au prix de tout ça. Parce que c’est pour ça qu’ils existent. Mais Nada#1 enfermé, Nada#2 prend sa suite. Pourquoi ? Pour la famille ? Pour rendre hommage à son frère ? Peut-être. Mais finalement, la force du tome 2 réside dans un seul but : la vérité, et la justice. Vincent Villeminot qui semble nous conférer une vision très pessimiste de notre monde, corrompu, injuste, noir, transmet cette valeur fondamentale de manière remuante et explosive. Théo, Sixie, Jérémy, Justine, Alice, et peut-être même César œuvrent pour la vérité, malgré tout. Et ça fait trembler. Unis pour « l’amour et le jeu », mais aussi la justice.


                Ainsi, ce dyptique critique les réseaux, critique leur nuisance, et nous montre aussi à quel points de manière excessive, alarmante, ils sont aussi détournés, et ce par une Police ou une Justice bafouées, laides, fausses, trop puissantes. Le(s) Réseau(x) aujourd’hui au cœur d’un monde en perpétuel mouvement, Vincent Villeminot a su le voir sans s’y perdre, et s’en servir dans sa série avec talent.


En conclusion, dans ce second tome vibrant d’émotion, très introspectif, l’auteur tente de peut-être en un sens rétablir une justice, et peut-être aussi une Humanité en déperdition, sans une vie de réseaux trop irréels pour être humains. Dans un récit talentueux, il traite de tout cela avec gravité et nous offre aussi une histoire touchante, malgré un récit voulu parfois froid, en enquête minutieuse et impersonnelle, où il crée un microcosme littéraire dont on ressort soudain amputés tant on a affaire à la mort.


Un récit explosif, et un monde effrayant de réalisme : une fin remuante et puissante, aux allures d’une scène de crime enfin élucidée, avec gravité, et justice.



 La guerre se poursuit, sur le web et dans le monde réel. Sur les réseaux, tout le monde pensait connaître Nada#1. Tout le monde suivait, espionnait, redoutait Nada#1. Aujourd'hui, Son Altesse Anarchiste Sérénissime est en prison et l'armée des Clowns Noirs est sans tête.  Les polices européennes vont-elles enfin pouvoir respirer ? Rien n'est moins sûr : un mystérieux Nada#2 fait son apparition et annonce un chaos d'un genre nouveau...


Par Vincent Villeminot
Aux éditions Nathan Jeunesse
16,90€
368 pages

"- Cette fois c'est nous, et nous seuls, qui courrons les risques.
- J'ai le sentiment que tout ça est trop gros pour nous.
- En un sens, c'est encore Nada#1 qui joue. Il faut que nous terminions sa partie." - p265
" Nous porterons des masques pour garder l'esprit joyeux de carnaval, et pour que l'ennemi ne nous prenne pas tout à fait au sérieux. Mais il n'y a rien de plus sérieux que le jeu. "
" Cela aurait plu à Antonio : l'amour et le jeu." p313

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