4 septembre. Maison-tanière

4 septembre 2021.

Aux nostalgiques des fins d’été, ce recueil de poésie et de photos comme un cocon est pour vous.

Il est signé Pauline Delabroy-Allard ; son nom vous dit peut-être quelque chose ? Son premier roman, « Ça raconte Sarah », avait secoué la rentrée littéraire il y a trois ans ; déclaration d’amour semi-fictive, bouleversante et passionnelle – avec tout ce que ça suppose de charnel, de beauté et de désespérance simple – à Sarah.

Dans « Maison-tanière », l’autrice utilise une forme plus proche de son compte Instagram, @cettepetitevie sur lequel ses photos en noir et blanc racontent la vie de sa famille et forment une véritable ode aux petites choses qui font les grandes émotions. Ici, les photos sont en couleurs, c’est un livre papier, l’unité thématique est ailleurs, et les textes sont des poèmes, mais tout y est : les petites choses, les grandes émotions... et la passion simple. 

Son projet ? Raconter en deux temps la « maison-tanière » dans laquelle elle se retire seule, deux étés durant. La première fois – dans la première partie du livre (« Les jours absents ») – elle choisit chaque jour un vinyle qu’elle écoute, prend une photo et écrit un poème. La deuxième fois – dans une partie plus silencieuse, plus froide (« Les jours couchés ») – elle s’allonge dans chaque pièce, une par une, et prend en photo leurs plafonds dont elle fait un poème.

« Maison-tanière », c’est le feutre de la maison face à l’âpreté extérieure (et parfois intérieure). C’est un endroit pour se (re)trouver. C’est une maison gouvernée par des poules et une chatte où on n’est pas vraiment invités. Un petit royaume de rien du tout qu’on fait sien pendant trois semaines – mais qu’on respecte : on nourrit les poules, on récupère les œufs, on s’occupe de la chatte.

  

 

« Maison-tanière », c’est aussi les plafonds décrépis, les pièces oubliées. Les greniers qui grincent. Le silence de la maison, du monde, et des chattes, poules et parents qui vieillissent. C’est celui de la page blanche et des poèmes qui dorment. 

« Maison-tanière », c’est ces deux parties qui se répondent, une plus chaude, une autre plus froide et silencieuse, moins romancée... peut-être un peu trop courte aussi, en déséquilibre. Mais c'est aussi ça, les étés qui se suivent et ne se ressemblent pas : des fois, on n'a rien à dire, c’est l’été, c’est tout. Les greniers grincent parfois en silence. 

 

J’ai corné toutes les pages de ce recueil dans lequel Pauline Delabroy-Allard rend hommage, tout délicatement et modestement, à cette maison-tanière.

Sa poésie est toute sensuelle,

« Sensuel et juteux, on a sous la langue la figue et dans les mains ces fruits et dans la chambre où je lis résonnent tous ces vinyls que je ne connais pas. » 

faite d’oppositions et de curieux alliages, 

« Un été d’adolescence / aigre-doux / à Aigues-Mortes »

et surtout incarnée. C’est une poésie du quotidien, toute en tripes et tendre à la fois, une poésie à la Cécile Coulon. Les photos, elles, habitées d’une lumière qui les transforme presque en fantômes, se contemplent comme de vieux clichés de famille.  

J’ai arpenté avec un sentiment de chance et une certaine émotion ce monde de poussière, grise ou lumineuse, suspendue. J’ai ressenti son désarroi, son apaisement, ses peines. Et j’ai fait connaissance, au cœur d’une écriture toute en retenue et en silences, avec le second protagoniste de ce recueil : l’absence. 

Mais dans l’écriture de Pauline Delabroy-Allard, il y a autre chose, qui vient peu à peu la faire partir – je vous en parle depuis le début : un refuge. C’est celui dans lequel elle se retire, s’isole et se repose pour écrire, c’est celui qui naît entre la fatigue, les désirs frustrés et les silences après chaque vinyle écouté. C’est celui de ce livre et que je vous propose. 

Je finis avec le sentiment que Pauline Delabroy-Allard a inventé ce qui manquait depuis le début, sans le savoir, à nos maisons, à nos tanières : des écrivain·es publics de maisons, témoins et témointes des CD toujours là, des fissures au plafond et des volets fermés, l’été, derrière lesquels la maison continue de craquer. 

_

Le talent de l’autrice du roman "Ça raconte Sarah" décuplé par la forme brève.
Elle se retire seule, loin du monde, dans une maison comme une tanière. Chaque jour, elle choisit un vinyle, écrit et prend des photos. Elle laisse venir les sentiments et les souvenirs, elle fait parler les plafonds et les murs. Et cette maison tanière devient la nôtre.

de Pauline Delabroy-Allard
Aux éditions L'Iconoclaste, collection L'Iconopop
80 pages · 13 €

 

Commentaires

Enregistrer un commentaire

J'aime les commentaires : ça me donne de l'audace !
N'hésite pas à poster ton avis, une idée, une blague, une remarque. Tout ce que tu veux, tant que c'est bienveillant !

Les articles les plus lus ce mois-ci