Le grand saut, Florence Hinckel | Chronique débat

Chronique débat avec Florence Hinckel autour de son roman Le grand saut, à la fois génial et décevant.
Le grand saut de Florence Hinckel rappelle un des premiers romans de l’auteure : Quatre filles et quatre garçons, publié aux éditions Talents Hauts, qui raconte, à travers les voix de 8 adolescents se succédant dans un carnet qu’ils se partagent, l’année de leurs 15 ans.
Dans Le grand saut, c’est à la rencontre de 6 jeunes adultes qu’on part, 6 jeunes adultes qui se retrouvent à cette année charnière et si particulière du bac, du premier envol, du saut vers l’inconnu. Le grand saut.
La promesse est, elle aussi, grande : comment raconter, à hauteur d’adolescent, la richesse émotionnelle, la puissance émotive et le foisonnement de possibilités qui tourmentent cet âge-là ?

Au plus près des adolescents

La grande force de l’auteure – et c’est celle qui se confirme à chacun de ses romans – c’est qu’elle est au plus proche de la sensibilité des adolescents, extrêmement fidèle à leurs expériences.
On le ressent très facilement :

  • Dans les émotions et relations des personnages, justes et touchantes ;
  • On y trouve même de l’amertume, des regrets, des doutes et de la mélancolie, au milieu de la douceur, de l’amour et des élans vers l’avenir, et ça, ça me fait vibrer ;
  • Dans les sentiments si finement décrits de la fin du lycée : ils rappellent, à la lecture, avec une force étonnante ce qu’on a soi-même ressenti lors de cette année où tout semblait possible, mais seulement en sacrifiant tout un tas de choses qui se transformeraient bientôt en dernières fois.

- Tu sais…
- Mmm ?
- Ce sera vraiment difficile de se séparer, après la terminale.
- Tu ne crois pas qu’on va tous se retrouver dans la même ville et que tout ira mieux dans le meilleur des mondes, pas vrai ?
- Citation de Candide, de Voltaire, c’est ça ?
- Oui, paroles de Pangloss.
- Le bac de français est derrière nous, Iris !
- Mais on a encore de la philo, et d’ailleurs cette citation est de Leibniz. Voltaire considérait que c’était une utopie absurde. Je suis comme toi, Alex, je n’y crois pas vraiment. Mais j’ai envie d’y croire.
- Alors tu es de quel côté ? Utopiste ou réaliste ?
- Je crois que je n’ai pas encore décidé, pour dire la vérité.
- Moi non plus. L’avenir nous aidera sûrement à faire un choix. Et qui sait si l’utopie ne pourra pas devenir réalité ? Tu viens ?
Il se leva et courut jusqu’à la mer.
  • Tout est dans cette citation : l’espoir que l’on ne veut pas s’enlever de l’avenir, tout comme les doutes, l’amertume, la mélancolie, le temps qui passe, l’amitié à laquelle on s’accroche, ce à quoi on veut croire mais à quoi on ne croit plus… Tout ça entrecoupé de philo et de français, parce que cette année-là on ne se détache jamais vraiment du bac qui est comme une épée de Damoclès au-dessus de soi.

Mais comment fait-elle ?
  • Florence Hinckel est généreuse envers les adolescents, ouverte à leurs sentiments. Elle n’a pas peur de les mettre en avant, de les décortiquer et de les observer comme ceux d’êtres normaux, des êtres humains ressentant de vrais sentiments. Vous aussi, vous n'avez jamais eu l'impression, adolescents, que ce que vous viviez était déprécié par les adultes ? Que vous ne viviez qu'une « amourette adolescente », que ce que vous ressentiez « vous passerait » ?
  • Son écriture est brute, fluide, sans accroc, artifice ni fioriture : elle va droit au but.La justesse des sentiments transperce alors la narration. Le naturel qui leur est donné les rend ainsi impressionnant, d’autant plus touchant et vibrant.
  • L’auteure est maîtresse d’un ultra-réalisme sur l’adolescence qui participe à la véracité du propos, des personnages et du ton. Tant avec les thèmes abordés que sur les médias et œuvres artistiques citées, l’auteure oscille entre les inévitables classiques et ceux de la nouvelle génération, plus ou moins populaires.



« L’ultra-réalisme » à son service, ou la nécessité du Grand saut en littérature jeunesse

Plus encore, cette envie de vérité sur une jeune génération aux codes particuliers se traduit aussi par une richesse évidente de thèmes. Florence Hinckel aborde en effet tout un panel d’évènements qui font référence à des questionnements et problèmes actuels de cette génération. Dans son souci de traiter d’eux et de leurs codes, elle aborde ainsi tout ce qui les agite, les questionne, leur fait peur ou les fait rêver. C’est pour ça qu’on parle d’amour et d’amitié bien sûr mais aussi de djihadisme, de YouTube, de racisme, de féminisme et d’harcèlement.

Dans ceux-là, certains sont extrêmement intéressants, et plutôt bien traités : le féminisme, YouTube et la pression sociale des communautés ou groupes…

Florence Hinckel écrit donc un roman absolument essentiel, qu’on aurait envie de mettre entre toutes les mains. Grâce à un grand nombre de thèmes abordés avec la sensibilité et la générosité de l’auteure, on peut ici offrir un roman qui peut divertir les adolescents tout en les questionnant et en les accompagnant dans leurs pratiques et leurs réflexions. Tout simplement en les aidant à grandir.

Un trop plein ?

Mais ce foisonnement de thèmes, cet amas de références culturelles « jeunes »… ça n’est pas un peu trop ? Si Florence Hinckel touche à tous ces questionnements avec justesse, on regrette qu’elle veuille tant en faire. Ne faudrait-il pas approfondir certains thèmes (comme le djihadisme, la drogue et les dangers des comportements sociaux de groupe, par exemple) ?

Je suis très flattée par tous tes compliments qui me vont droit au coeur, merci ! Pour te répondre sur le foisonnement : je m'adresse à des jeunes adultes qui certes n'ont pas fini de grandir, mais ont déjà bien grandi (et on ne cesse de grandir, même adultes bien avancés). Aussi ai-je eu envie de leur "offrir" un roman ample et contemporain – je n'ai pas son talent mais je rêve d'écrire pour les jeunes adultes un roman du style de ceux de John Irving, aussi foisonnant en thèmes divers, dont certains sont creusés, d'autres non. Un roman révélateur d'une époque.
Il y a des choses que je cite parce que cela fait actuellement partie de notre quotidien, il m'était par exemple impossible, au moment d'arriver au 11 septembre, de ne pas évoquer les attentats. Mais je le fais rapidement, et je ne parle pas vraiment de djihadisme ou alors juste en passant parce que cela fait simplement partie du décor, de notre « décor » quotidien. Je ne compte pas traiter ce thème en profondeur dans Le grand saut, ce n'est pas le propos. C'est un peu pareil pour la drogue : il n'est pas dans mes objectifs de parler en profondeur de ses méfaits. Mais elle existe, certains de mes personnages en consomment et on en voit les effets néfastes. Je ne me voyais pas parler de jeunes sans parler de drogue ou d'alcool, mais, là aussi, ça ne fait que partie du décor. En fait, je n'écris pas un roman pour dire « la drogue c'est pas bien », je montre juste que ça existe et qu'il faut s'en méfier, bien entendu.
Mon objectif est juste de faire une photographie de la jeunesse avant et après bac et des difficultés à faire ce grand saut. Ce qui rentre surtout dans ce but c'est de montrer des jeunes de milieux sociaux-culturels très différents.
Et je n'ai surtout pas voulu écrire un roman à message, mais un roman dégagé des contraintes qu'on voudrait imposer sans cesse aux auteurs jeunesse (sus aux stéréotypes, dénoncer ceci ou cela, montrer les dangers de ci ou ça...) J’ai un peu envie d'envoyer valdinguer ces poncifs qu'on attend de nous.

J’aime beaucoup ta réponse. Je suis assez d’accord sur ce fait là : écrire avant tout une histoire et pas un roman à message. Mais ça tu le fais bien : tu écris d’abord une intrigue, tu développes des personnages, et c’est après, derrière tout ça, que tu parles de notre monde actuel (parce que sans écrire de roman à message, un bon roman pour moi parlera toujours de l’adolescence, de relations intra-personnelles, de notre monde actuel). Tu réussis très bien, me semble-t-il, à être révélatrice de ton époque.
Ce qui me perturbe peut-être du coup c’est cette façon que tu as de parler de plein de choses qui traversent le roman mais de les frôler. Finalement tu as raison, ça décrit bien notre quotidien et tout ce à quoi on pense chaque jour sans vraiment l’approfondir. Mais à force d’accumuler tout ça j’avais presque l’impression qu’on restait souvent en surface.


Heureusement que deux tomes sont encore à venir : on garde espoir que ce qui n’a été que survolé dans ce premier roman sera approfondi par la suite.

Cela ne le sera pas, ce n'est pas mon envie. Mais les personnages gagneront sans cesse en profondeur au fil des tomes. Le réalisme sera toujours prégnant.

Espérons-le, alors ! Peut-être que le fait de faire gagner en épaisseur les personnages rendra les thèmes abordés plus justes aussi, moins « frôlés » !



Le problème des personnages

Parce que le vrai problème du Grand Saut, derrière ce foisonnement de thèmes, cette richesse émotive et les divers engagements essentiels pris par l’auteure (notamment en matière de féminisme), ce sont les personnages.

Grâce à la justesse des émotions, ce sont de beaux portraits que Florence Hinckel arrive d’abord à dresser. Peints par touches, les personnages ressortent avec leurs nuances, leurs ombres et leurs lumières. Mais ces portraits sont tous archétypaux et virent au stéréotype au fur et à mesure que l’intrigue avance. Ils n’évoluent pas et restent engoncés dans leurs façons de penser, de réagir, de regarder les autres et de se regarder soi.

Là, je suis très étonnée par ce que tu dis. Dans la première partie nommée « Insouciance », j'ai en effet volontairement montré des jeunes gens assez embourbés dans les stéréotypes – comme beaucoup de jeunes de cet âge. Dans la partie 2 nommée « (Dés)illusions », leur vision du monde prend une claque et ils prennent la réalité en pleine tronche. Pour moi cela les fait changer, et aller au-delà des stéréotypes. Ils réalisent qu'ils sont focalisés sur leur apparence, que défendre les droits de chacun peut être teinté d'égoïsme, ou bien refusent de voir la réalité en face et sombrent.

Tu parles très bien de ton livre ! Néanmoins, si j’ai ressenti cette cassure très touchante, ce vrai changement de point de vue sur le monde, ces « désillusions » en virage à 90°, je crois que je ne l’ai pas ressenti dans l’essence même des personnages. Certes, leurs points de vue changent, mais on ne remet pas en cause les personnages en eux-mêmes et ceux qui en font parfois, il me semble, des stéréotypes. Et les changements qu’ils opèrent m’ont semblé rester dans le stéréotype (de genre).
Par exemple, j’ai bien compris les changements de Paul [là tu vas te spoiler, jeune padawan-belette, si tu surlignes le blanc] et sa déchéance qui m’a, elle, beaucoup touché . Mais même si j’ai trouvé ce personnage riche en émotions (et alors moins stéréotypé), on retrouve toujours un peu le stéréotype : [attention spoilers, encore !] quand il chute, il ne dit pas ses émotions, il a envie de violence, etc.

Je ne suis pas d'accord, d'abord parce que pour moi dès le départ aucun de mes personnages n'est une caricature ni un archétype, ils ont tous des singularités qui leur sont propres. Et de toute façon un personnage doit garder une cohérence au fil du roman, je ne peux pas changer leur essence, c'est comme dans la vie ! Et pour finir, mes personnages vivent dans un monde de pression sociale qui veut les engluer dans les stéréotypes, ils les intègrent au point de les incarner parfois et c'est sans doute ce que tu as ressenti ; en outre j'ai aussi beaucoup veillé à ne pas toujours prendre le contre-pied du stéréotype : aurais-je été crédible si je l'avais fait ?


En fait, c’est sur les questions de genre que les stéréotypes sévissent durement. Alors que Florence Hinckel prône le féminisme, et elle le fait bien, ses personnages en sont les antithèses, tant sur les activités choisies par chacun que leurs réactions face aux évènements. Ils ressentent tous diverses émotions (filles comme garçons !) mais réagissent en fonction de leurs attributs sociaux de sexe : violemment pour les garçons, de manière introvertie ou larmoyante pour les filles.

Eh oui. Encore une fois à cet âge on est souvent engoncés dans les stéréotypes. Peu de garçons font des tutos beauté, non ? C'est un fait. Et puis Iris ne me paraît pas introvertie pour autant (loin de là, même), alors que Paul l'est complètement ! Larmoyante est un terme que je trouve dur aussi, je ne trouve pas que mes héroïnes le soient. Paul cependant recherche une béquille émotionnelle, il n'est pas très fort dans sa tête, dans ce tome. Iris est très combative, elle. Je trouve que je suis loin des stéréotypes, au contraire, même si Paul utilise plus ses poings que les filles, c'est vrai.
J'ai voulu justement dépeindre des jeunes extrêmement normaux. La badass de service, j'aurais pu, ou l'informaticienne genre Millenium, mais soyons justes : est-ce que ce ne sont pas les nouveaux stéréotypes, surtout en Young Adult ?

Là, comme dans ta précédente réponse, tu touches un vrai débat, extrêmement intéressant. En effet, où s’arrête l’anti-stéréotype pour qu’il ne soit pas à son tour renversé (et qu’on perpétue le stéréotype de base, finalement) ? Néanmoins, l’argument de la réalité ne me plaît que peu. Oui on est toujours engoncés dans les stéréotypes à cet âge-là, mais à partir du moment où on les montre, il faut à mon avis les contester à un moment.
Par exemple, Iris est là pour le faire, oui, elle est combative et féministe. Mais elle ne le fait pas toujours et forcément ne peut pas le faire sur les constructions de base des personnages. Iris conteste très souvent l’autorité, mais c’est toujours les garçons qui vont en venir aux poings, qui vont vouloir protéger les filles par exemple. Les garçons peuvent être émotifs, mais c’est toujours les filles qui vont pleurer – ou presque – (d’où l’adjectif « larmoyant », peut-être un peu dur en effet).

J'entends ce que tu dis. Et j'aurais été d'accord avec toi s'il s'était agi d'un roman d'anticipation ou de fantasy. Or j'ai écrit un roman réaliste, donc je crois que l'argument de la réalité est un bon argument, dans ce cas précis ! Et, sincèrement, je crois contester les stéréotypes à ma façon, sans être didactique. Je l'espère, avec subtilité. De plus tu juges mes personnages sur un seul tome. Ils vont encore tous évoluer dans les deux suivants. Et dans ce tome on ne connait pas encore intimement Marion, Sam et Alex...

Peut-être. Je pense aussi qu’il est difficile pour toi de répartir ton intrigue pour être cohérente sur trois tomes comme sur un tome, et pour moi de juger l’évolution de l’intrigue et des personnages d’un roman qui s’insère dans une trilogie.



Finalement, les déterminants sociaux semblent respectés en général.
Je dirais parfois seulement, et par souci de réalisme car beaucoup de jeunes sont pétris de stéréotypes. Mais je fais comprendre à mes personnages les écueils de leur conservatisme.


Je ne suis pas sûr, justement…




Je ne te comprends pas totalement. Ils prennent chacun leçon de leurs replis identitaires. Mais dans mon récit à aucun moment il n'aurait été pertinent qu'Iris ou Rébecca en viennent aux poings, par exemple. Aurais-je dû retourner mes personnagess comme des chaussettes, en deux mois de leur existence ? Le personnage de Paul me permet de parler d'une rivalité masculine et en plus fraternelle qui existe. La domination entre garçons est un thème que je voulais aborder et que je continue de fouiller dans le tome 2. Et puis mes personnages filles pleurent-elles si souvent ? Je n'en ai pas le sentiment. Quelque chose t'a dérangé mais je ne mets pas le doigt dessus.

C’est difficile à expliquer. Je pense que je suis particulièrement sensible à ces questions-là et que je peux parfois être assez dur – c’est sans doute le cas ici. Mais je maintiens mon point de vue (moi non plus je ne me retourne pas comme une chaussette !)
Je suis d’accord, tu n’avais pas à changer complètement tes personnages – fort heureusement ! – mais je pense que tes personnages, s’ils sont nuancés et qu’ils changent, ne changent pas là où on attendrait vraiment qu’ils changent, c’est-à-dire là où ils sont stéréotypés. Après sur les trois personnages non explorés, je ne peux qu’attendre le tome 2 pour les voir changer. En effet, c’est là qu’on va vraiment voir évoluer ceux-là en personnages principaux.

On se satisfait d’ailleurs de l’amitié possible entre filles et garçons – et de quelques belles relations – jusqu’à ce qu’on comprenne que :
  • Il y a bien des rapports amoureux au sein du groupe (encore qu’il soit difficile de ne pas en avoir, et qu’on ne peut pas réellement reprocher cela au roman) ;
  • Dans le groupe d’amis, il y a deux sous-groupes d’amis : les filles d’un côté, les garçons de l’autre (argh) ;
  • Les personnages en général sont stéréotypés, or la mixité n’y change pas grand-chose.

Je te trouve dur, là aussi, car le groupe se retrouve souvent ensemble, garçons et filles mélangés. Oui les sous-groupes filles ou garçons se retrouvent de façon séparée aussi, mais ça me paraît une réalité, dans tous les groupes mixtes. Dans la réalité, il y a des choses qu'on ne se dit qu'entre filles ou qu'entre garçons. [SPOILER ALERT ATTENTION HAAA] Les révélations amoureuses, qui plus est, bouleversent leur équilibre. Et puis c'est parce que j'ai beaucoup écrit sur le féminisme que je me donne la liberté d'être plus proche du réalisme, sans toujours tenter d'aller au-devant des écueils sexistes. On tombe parfois alors dans d'autres stéréotypes quand on y veille sans cesse, ou dans quelque chose de peu réaliste.

Oui, c’est le débat qu’on a soulevé plus haut. Comment rester réaliste tout en renversant les choses ? Mais là-dessus, je ne suis pas du tout d’accord. Bien au contraire. En tant que garçon, j’ai toujours eu des amies filles (plus, d’ailleurs) et des amis garçons. Alors même que j’ai un frère jumeau, je me suis toujours plus facilement confié à des amies. Peut-être est-ce pour ça que je suis particulièrement touché par ce point-là.

Ah oui sans doute. Mais ce n'est pas mon vécu d'ado, et ce n'est pas ce que j'observe chez les ados que je connais et que j'ai interrogés. C'est là mon regard d'auteure, et qui fait partie de ma liberté d'auteure ! Tous les vécus diffèrent, moi j'ai choisi de raconter celui-là. Encore une fois, dans le tome 2, Sam sera quasiment tout le temps avec les filles, et tu t'y retrouveras alors davantage.


Sans doute ! Si, encore une fois, les choses changent dans le tome 2, ça sera bien. Même si je regrette qu’on ne le voit pas dans ce tome. Ça donne une fausse impression, finalement : oui l’amitié fille-garçon existe, le groupe est mixte, mais même à l’intérieur du groupe on scinde les filles et les garçons. C’est dommage ! Mais c’est vrai que sur ce point, ce sont des convictions personnelles.

Un excès de dramaturgie ?

Mais malgré les défauts, on se laisse quand même prendre au jeu. Le roman est addictif. On y croit, et l’intrigue touchante, bien montée, rythmée et à la tension grandissante nous emporte jusqu’à un cliffhanger surprenant mais excitant.

Néanmoins, le registre dramatique que prend l’intrigue donne un côté bien trop théâtral au roman. La mise en scène de l’adolescence fait perdre de la crédibilité à l’histoire. Tout concorde à faire monter la tension du roman jusqu’à son paroxysme. Si ça fonctionne très bien, est-ce ce que l’on doit attendre d’un roman qui parle si intimement de l’adolescence ? Peut-on croire à la vie de ces six jeunes adultes à qui il arrive tout d’un coup beaucoup de drames ?

En fait, le registre dramatique du roman propose des sentiments adolescents bien trop fabriqués, mis en scène : ils sont exacerbés, apitoyants. Si on croit d’abord que cela permet de rendre crédibles les émotions adolescentes, bien trop souvent infantilisées, on comprend bientôt que c’est peut-être plutôt ce registre qui donne aux personnages cet aspect stéréotypé. À force d’en faire des héros de drame, ils ne deviennent plus que cela. L’intrigue prime sur la justesse des émotions et l’approfondissement de celles-ci.

Pour gagner en intrigue et addiction, le roman perd finalement l’introspection adolescente et sa capacité à peindre les sentiments de ces jeunes adultes.

Je ne sais pas quoi répondre à cela, sauf qu'en effet j'ai voulu raconter une histoire qui ne soit pas intimiste, d'où mon choix de narration à la troisième personne et au passé. Je voulais un récit ample et qui s'étende sur trois tomes. Il fallait donc forcément que l'intrigue soit forte. C'est dommage si tu trouves que j'en perds mes personnages ; j'avais justement essayé d'y faire très attention. Et puis mes personnages priment toujours avant l'histoire. Ton ressenti m'attriste, mais c'est comme ça.

C’est ce que j’ai ressenti. En même temps, comme tu le dis bien, l’intrigue est forte, et les personnages restent touchants. Mais oui, il m’a semblé qu’en gagnant en intensité dans l’intrigue, on perdait l’intensité de l’introspection et donc des personnages.



Florence Hinckel propose donc un roman qui laisse en demi-teintes. La promesse était grande, la réponse ne lui arrive pas à la taille. On saute de joie de pouvoir proposer à des adolescents un roman extrêmement intéressant qui traite de sujets essentiels (l’apparence, l’amour, les relations interindividuelles) et souvent avec peu de pudeur (bon, sauf sur les échanges amoureux physiques que l’auteure gomme tel un baiser de cinéma).


Attends de voir le tome 2, ce ne sera plus qu'un baiser de cinéma ! Le tome 1 ce n'était que les préliminaires (et puis il n'y a pas vraiment de relation amoureuse concrète dans ce tome).


J’ai hâte !



Mais en fouillant les personnages et leurs relations, on ne va pas loin. D’abord touchants, ils s’avèrent rester en surface et manquer de profondeur, se contenter d’être des caricatures qui interagissent entre elles de manière assez simple. Peut-être est-ce le fruit de cette mise en scène addictive mais peu crédible de l’adolescence ?

Le « peu crédible » m'interroge. Je ne sais pas, il m'a semblé que ce qui leur arrivait arrivait souvent à de nombreux ados. Il me semble que beaucoup d'ados pourraient se retrouver en Iris, Paul ou Rébecca (les 3 autres seront fouillés dans le tome 2), et pourtant j'ai tenté de leur trouver des singularités, loin de la caricature.


Ce que j’entends par là, ce n’est pas tant que les adolescents ne se retrouveront pas dans ces personnages (oui, je pense qu’on peut s’y identifier). C’est plutôt la convergence de toutes ces intrigues et de toutes ces réflexions personnelles qui gêne : dans un seul groupe de six amis beaucoup de thèmes sont abordés, beaucoup de problèmes se croisent. Finalement, c’est peut-être ça qui me donne aussi cette impression de « trop-plein » que je décrivais plus haut. Il y a une convergence de nombreux problèmes et questionnements, comme si tu avais eu envie de tout dire alors que tu n’y étais pas obligée.

Non, je n'ai pas eu envie de tout dire, ce n'est pas ça. Ce que tu ressens vient d'autre chose je crois : j'ai sciemment voulu adopter la structure d'une série telle qu'on en voit sur Netflix ou ailleurs. J'ai adoré Skins par exemple, ou bien My mad fat diary, entre autres. C'est un véritable hommage. Et j'adore quand les destins de plusieurs personnages se complexifient et se croisent dans le même temps ! J'ai aussi voulu montrer que c'est un âge où tout change, pour presque tout le monde.

Oui, c’est vrai, il y a un côté Skins version française et pour le coup quand même plus crédible, c’est chouette. L’hommage est plutôt réussi pour le coup. C’est vrai que, moi aussi, j’ai ressenti cette violence sur certains changements de ma vie, de mon caractère, de mes convictions, etc. Mais je trouve que si tout change à cet âge-là, ce n’est pas toujours aussi violent pour tout le monde, parfois une violence plus douce, plus intime.


C’est donc avec appréhension et impatience que j’attends le tome 2. Appréhension de découvrir que le roman restera en surface, mais aussi impatience de connaître la suite de ce premier tome, il faut le dire, divertissant. Mais est-ce la seule chose qu’on puisse garder du Grand saut ? Du divertissement ? Ce serait dommage, et pourtant, la promesse de richesse thématique et émotionnelle du départ n’a pas été tenue. Réponse fin 2017 ?

Je crois que tu m'attendais tout simplement ailleurs. Je n'ai pas voulu écrire de roman intimiste et/ou à message. Je veux juste suivre des personnages « normaux » qui se prennent le réel comme un mur dans la tête. Il faut vraiment voir Le grand saut dans son ampleur de trilogie. Les personnages et leurs relations vont s'affiner au fil des tomes. J'espère ne pas te décevoir !


Peut-être ! Mais je crois aussi que notre perception du roman adolescent et de ce qu’on a envie d’y trouver / d’y mettre n’est pas la même. C’est d’ailleurs très intéressant de les faire s’entrechoquer.



Je pense surtout qu'il n'y a pas UN type de roman adolescent (tout comme il n'existe pas qu'UN type de roman « pour adultes ») et que le forme doit s'adapter au fond que l'on veut y mettre. Cette fois, j'ai voulu faire comme ça. D'autres fois, je ferai autrement.


C’est vrai, mais ça je n’en ai jamais douté. Peut-être que le tome 2 finira par me convaincre que Le grand saut a tout pour être un bon roman pour adolescents.
Et après cette discussion, je suis convaincu qu’il y a plein plus que du divertissement dans ton roman. On n’a pas de discussion aussi riche sur un roman qui n’est pas lui-même très riche.

Je te remercie infiniment, Tom, pour ce droit de réponse. On lit beaucoup de chroniques sur nos romans, dans lesquelles on se sent parfois mal compris ou d'autres fois injustement jugés, et on ne peut jamais répondre. La liberté d'exprimer son ressenti de lecteur est prioritaire, en effet, et nos romans nous échappent, ce qui est bien, mais c'est agréable de s'expliquer un peu pour une fois !

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Retrouvez Florence Hinckel au sommet de son art, et plongez en terminale avec Iris, Paul, Rébecca, Marion, Alex et Sam !
Iris, Paul, Rébecca, Marion, Alex et Sam sont amis depuis la sixième. Aujourd’hui, ils entrent en Terminale, cette dernière année tant attendue, tant redoutée. Enfin la libération ? Une chose est sûre, bien que le soleil baigne leur petite ville de La Ciotat, chacun sent que l’orage gronde…
Les sentiments depuis trop longtemps inavoués de certains, les relations familiales bancales des autres, la pression de l’avenir… tout devient insupportable. Et ce n’est pas la gigantesque soirée chez Madeleine qui va suffire à leur changer les idées. Au contraire, c’est même peut-être là que tout va définitivement basculer…


Éditions Nathan Jeunesse
375 pages
16,95 €

Commentaires

  1. Passionnante rencontre, passionnants échanges ! Merci à vous deux.

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    1. Merci beaucoup ! N'hésitez pas à venir en parler à votre tour si vous le lisez...

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  2. Mais Toooooooom tu es trop sévère avec ce livre ! Je pense que c'est impossible d'avoir un livre sans aucun stéréotype, avec des meufs fortes et des mecs émotifs et finalement, qui ne fâche personne. Toi, tu t'es senti trahi par les stéréotypes des personnages du livre, mais je pense que la majorité du public cible s'y identifiera totalement. Florence Hinckel a tout à fait raison, dans la réalité les filles restent avec les filles et les gars avec les gars dans les plus durs moments. Et ouais, ce sont souvent les mecs qui ont les plus d'envie de violence. Bien entendu, il y a des exceptions et tant mieux ! Mais un livre ne peut pas tout représenter de manière exhaustive ! Et Le Grand saut, malgré ses quelques défauts, traite de nombreuses problématiques aussi réalistes qu'actuelles.
    Et tu dis qu'il y a même trop de choses en peu de temps, mais je ne suis pas d'accord ! L'adolescence est une période intense et davantage à la terminale, le moment de tous les tournants. Pour prendre un exemple perso (mode racontage de vie ON) dans ma bande d'amis en terminale, il y a eu deux ruptures, un nouveau couple, un qui a perdu son père, l'autre qui a appris qu'il allait déménager à des centaines de km, une autre qui s'est rendue compte qu'elle aimait en fait les filles... et ça en un trimestre ! Donc ouais, des fois ça arrive que l'intensité soit au maximum aussi dans la vraie vie (mode racontage de vie OFF).
    Bon sinon on en a déjà parlé irl, mais je te rejoins sur plusieurs points (viendez lire ma chronique sur mon blog les gens héhé), et je suis très curieuse de lire le tome 2... et 3, j'ignorais qu'il y en aurait encore un autre ! Bref, voilà !

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    1. Luciiiiiiiiille ! Merci pour ton retour très détaillé. Je suis d'accord, Le grand saut, étant dans l'ultra-réalisme, a besoin de ces questionnements et de ces stéréotypes. Mais s'ils sont là, il méritent à mon avis d'être plus remis en cause. Je ne suis pas d'accord avec toi : on peut éviter les stéréotypes. Il faut que je le relise sous un nouveau regard, mais quand tu liras J'ai avalé un arc-en-ciel, d'Erwan Ji, tu verras qu'on peut éviter les stéréotypes. Dans Miss Dumplin il y a de très beaux personnages qui les évitent. Dans Le copain de la fille du tueur aussi. Et tous ces romans sont plus ou moins réalistes !
      Pour la condensation d'événements, je veux bien te croire. Peut-être n'ai-je pas été habitué à ça alors, mon propre vécu influe sans doute mon avis. Mais je trouve quand même que l'intrigue et l'action peuvent parfois réduire l'intensité et la profondeur des personnages.
      Oui, très bonne chronique et très intéressante. Comme toi, hâte de lire la suite.

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    2. Après je pense qu'on pourra totalement juger Le Grand saut en ayant lu la trilogie dans son intégralité, lorsque tous les personnages auront évolué. Qui sait, peut-être que Paul va enfin s'ouvrir à ses potes, qu'Iris va se réconcilier avec le monde entier (c'est déjà bien parti avec ses parents :) ), que Rebecca va se révéler (pareil, c'est bien parti !). Pour le coup, je suis confiante.
      Je pense qu'il ne faut pas charger Le Grand saut de porter une lutte contre les stéréotypes adolescents, ce n'est pas son rôle... mais il a plutôt vocation de livrer des portraits et témoignages des ados d'aujourd'hui.
      Breeeeef, tout ça pour dire vivement la suite !

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    3. Oui, mais on ne juge pas non plus un livre seulement dans sa logique de série, on le juge aussi sur sa logique de roman unique qui s'inscrit dans une série.

      Bon argument, bien joué ! En effet, c'est portrait des adolescents d'aujourd'hui, d'où ce besoin, aussi, de stéréotypes. Mais c'est aussi pour ça qu'il faut les faire valdinguer : pour faire réfléchir aussi, pour proposer d'autres représentations, tout simplement. Parce qu'on n'a pas à représenter seulement les généralités, on peut aussi représenter des cas particuliers sans qu'on ne puisse s'identifier à ces personnages.

      Oui, vivement !

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  3. Quel échange riche ! Je n'ai pas lu le livre du coup mais je trouve la forme de cette chronique extrêmement riche et intéressante. Elle pique mon intérêt pour "Le Grand Saut" et mon inquiétude aussi. Je pense que, comme certains livres, j'essaierai de doubler mon avis de celui d'un élève (Le Copain de La Fille du tueur est parti avec un de mes 3e qui a flashé direct !)

    Je m'interroge sur les stéréotypes : je comprends ta réaction et ton reproche de "faux réalisme" (si je peux le résumer ainsi - moi aussi je ne trainais qu'avec des garçons dès le lycée, où la mixité est beaucoup plus présente dans les amitiés, qu'au collège à mon avis, et encore). En revanche, je me souviens aussi d'avoir presque reprocher ces anti-stéréotypes à U4 : j'ai adoré tous les personnages, je les aime fort et je pleure avec eux, tous les quatre, mais je m'étais presque demandée avec une amie si c'était parce que les auteurs avaient les jeunes filles qu'ils en avaient fait des badass et les auteures des jeunes garçons sensibles voire larmoyants. Je pense qu'il s'agissait plus généralement d'un projet pour lutter contre les stéréotypes, mais c'en était presque un peu gros (et en plus, j'ai eu l'impression de conforter cette idée reçue que les femmes écrivent des personnages sensibles - reproche fait régulièrement à Robin Hobb par exemple pour Fitz dans L'Assassin Royal, ce que j'ai toujours trouvé injuste, auteure comparée à Martin pour Le Trône de Fer). Bref, je m'égare peut-être un peu.

    Je trouve donc que c'est un sujet extrêmement délicat à traiter, surtout quand ce n'est pas le sujet du roman. Mais je ne peux pas juger, n'ayant pas lu ! (du coup je pense que je filerai à la bibliothèque dès que possible pour me le procurer).

    En tout cas, super chronique, super discussion, merci :)

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    1. Merci pour ton retour ! Je serai ravi d'avoir ton avis et celui de ton élève. :)

      Très bonne analyse d'U4 (notamment ton analyse des femmes qui écrivent avec des personnages sensibles). Je n'avais jamais vu ça comme ça et tu m'interroges.
      Je ne pense pas du tout que ce projet était anti-stéréotypé et tu rehausses U4 dans mon cœur : oui les personnages ne sont pas stéréotypés. Du moins les principaux, il suffit d'aller vers les secondaires pour en trouver !
      Mais c'est vrai que tu as raison, il y a une belle inversion des rôles. Néanmoins, les personnages ne sont pas complètement inversés à mon sens : ils jouent tous aux jeux-vidéos (et les garçons aussi), Jules sera un combattant, Koridwen a un côté sorcière qui peut-être facilement assigné au féminin... Tu ne t'égares pas je pense, et tu m'interroges. Mais je ne l'avais pas perçu comme toi.

      Oui c'est très délicat d'analyser un roman sous cet angle :
      - à quel point n'est-on pas trop en recherche des stéréotypes ?
      - à quel point doit-on les inverser pour ne pas perpétuer les stéréotype ?
      etc.

      Merci beaucoup et à très vite !

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    2. Je trouve qu'il y a de tout dans U4, des filles fortes, des filles fragiles, des garçons fragiles, des garçons forts et pour ça, U4 Contagion est très bien car il pousse plus loin le développement de tous ces personnages !

      Ce qui m'a dérangé (et je sais que mon amie a posé la question à Florence Hinckel lors d'une rencontre, qui pouvait ressembler à une remarque désagréable) c'est que je me suis demandé si Yannis et Jules étaient sensibles parce que des femmes les avaient écrits, ou si c'était une volonté générale, quel que soit le genre. Je pense que c'est un vrai problème, ce stéréotype d'écrivain ! (que Vincent Villeminot a bien remis en question avec Samedi 14 novembre et Le Copain je trouve, où on trouve des personnages forts et sensibles quels que soient leur genre).
      Je n'ai pas assez lu les autres auteurs pour développer un peu cette idée.

      Bref, je ramène toujours U4 dans la conversation, je vais surtout aller lire ce que tu me conseilles et poursuivre mes réflexions !
      En tout cas, c'est un réel plaisir d'échanger avec toi à ce sujet !

      A très vite pour de nouvelles aventures :)
      (Et je te ferai suivre les avis de mes élèves si j'en ai ;) )

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  4. Et bien quel échange ! très belle discussion entre vous.
    Du coup j'ai très hâte de le lire...
    Merci à tous les deux pour ces échanges !
    Simon

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    1. Merci à toi, Simon, et n'hésite pas à venir donner ton avis quand tu l'auras lu !

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  5. Bon je vais profiter de ton blog pour remettre en ordre mes idées. Tout ce que je sais, c'est que ce roman m'a énervée au plus haut moins.

    - Il n'y a pas d'intrigue, le rythme n'est pas bon : oui ils ont leur intrigues personnelles, mais ce n'est pas assez clair, du coup, on s'ennuie. Le temps passe lentement, on va de jour en jour sans trop comprendre pourquoi, et ouf, une ellipse qui nous amène à une soirée qui a été présenté comme un climax, mais bon, en fin de tome quoi !
    - Des personnages creux : les ado sont à peine dessinés, sans compter que deux d'entre eux n'existent pas narrativement : Alex qui brille par son absence, qui semble n'être qu'une 6e personne pour faire la mixité parfaite (how convenient...) et Marion qui n'existe que par sa rupture. Nous ne sommes jamais dans leurs têtes (faute de temps, de place ?) et du coup, leur présence est tout sauf crédible. Alors le retournement...
    - Des clichés sur le lycée : une fête à l'américaine avec une piscine et de l'ectasy, YOLO. J'ai halluciné. Un cours de théâtre qui n'attire que des parias (la timide, la gothique, la noire qui veut devenir actrice, les frères dont on ne comprend pas bien ni l'identité ni le but), mais quelle image ! Avec un prof qui se met au niveau de réponse et de langage de ses élèves... Quelle déception, alors que c'est tellement intéressant de voir Rebecca commencer à exister à travers le jeu ! Mais bon, c'est passé sous silence.
    - Des clichés de genre : alors non, non. En 6e, on se mélange à peine, les garçons c'est bizarre, les filles c'est chiant, et encore, ça change un peu. Mais au lycée, au lycée ! On apprécie la présence du sexe opposé, on se mélange tout le temps, on parle de rupture, d'études et après bien sûr, on se crée des moments non mixtes parce que oui, il y a des choses qu'on ne dit qu'entre filles, d'autres qu'entre garçons. Mais là, ils ne vivent que non mixtes et crée de la mixité... sans trop savoir pourquoi, juste parce qu'ils se connaissent. Et encore, ils ne se connaissent pas ! Ils n'échangent pas, jamais : ils ont 17 ans, ils sont grands !

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  6. Alors oui, on ne va pas aller dans l'anti-cliché, mais là : ce sont les filles qui tombent amoureuses et engagent les sentiments, comme si les mecs étaient loin de tout ça ; ce sont les garçons qui boivent de l'alcool ! Dans les deux personnages inexistants : Marion n'existe que pour son rapport à un garçon, et Alex pour son rapport aux études !

    Alors oui, c'était cool d'avoir un regard sur cette génération Z : le rapport à Whatsapp, à Youtube, à la philosophie qui révolutionne notre vie quand on a 17 ans. Mais tout le reste est creux. Je n'y crois pas. J'ai l'impression de voir des collégiens, et encore. Je me suis ennuyée sur toute une moitié, je me suis énervée sur toute la deuxième. Alors oui, leurs certitudes sont bousculées (toutes en même temps, tiens pratique) dans des dialogues qui tiennent à peine la route (la révélation de la mère de Paul entre les conserves et le lait !)mais l'écriture n'ouvre même pas ce bouleversement (Pourquoi Alex n'est pas celui qui déprime, largué et Marion celle qui plonge dans les études, déjà ? Pourquoi n'avons-nous pas des duos garçons filles inséparables, qui ont parfois besoin de retrouver des temps filles ou garçons pour des sujets délicats ? pourquoi n'est-ce pas Paul ou Sam qui tombe amoureux ?)
    Nous ne sommes pas dans la fantasy ou l'anticipation, bien sûr que la réalité a ses clichés et stéréotypes, mais les masques tombent quand on est chez soi, sauf que chez eux. Et c'est notre rôle, en tant qu'auteur, prof, libraire, adulte accompagnateur, de montrer les infléchissements de ces stéréotypes, de montrer que la terminale, c'est autre chose que trois filles et trois garçons dans un mauvais Friends. De montrer qu'un garçon peut pleurer une fille (PARCE QU'EN TERMINALE LES GARCONS PLEURENT LES FILLES, OUI, même si c'est chez eux) et qu'une fille peut zapper tout pour des études (et pas juste un perso secondaire).

    Bref, une déception immense.

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    1. Waouh ça t'a encore plus touché personnellement ! Mais j'ai envie de dire MERCI d'avoir partagé ton avis et MERCI de me suivre, parce que je commençais à douter de moi tellement j'étais seul...
      Je comprends ta déception, d'autant plus qu'on en attendait beaucoup d'une auteure aussi top.
      Je suis d'accord, il y avait pourtant de bonnes choses, de belles promesses : dans le thème, le traitement de la génération Z etc. mais j'approuve toutes tes déceptions, et ces clichés...
      Comme tu dis, tordre la réalité (en restant crédible) c'est aussi le travail d'un auteur. Alors c'est décevant que ça n'ait pas été mieux fait.
      Merci pour ton retour, et à très vite !

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    2. Oui, grâce à toi j'ai mis le doigt sur ce qui m'énervait : ça aurait dû être bien, il y a avait tout pour, dans les personnages et dans l'intrigue.

      Je pense que la terminale est une sorte de tragédie, qui tend vers le bac, inexorablement et d'ici là tout est possible. Et cette tension n'est pas là.
      Réellement, plus que les clichés, je trouve que les personnages ne sont pas développés, faute de point de vue vraiment écrit : on est toujours dans le "faire" et rarement dans le "ressentir", je ne fais que les effleurer.

      Bon, j'arrête de revenir là-dessus et je laisse ce roman tranquille trouver un public :).

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    3. J'aime beaucoup ta réflexion sur le "faire" et non le "ressentir"... Je crois que si, il y a du "ressentir", mais qu'il est très mis en scène, dramatisé... ça manque peut-être de nuance,de douceur ?
      Oui, laissons-le voguer !

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  7. Salut, de mon côté, j'ai beaucoup apprécié ce livre. Voire même adoré, un vrai coup de cœur. On oublie enfin les stéréotypes, on avance doucement, je trouve pas la fracture si violente, elle y est oui mais logique, conséquentes des choses. Peut-être on peut avoir l'impression qu'on est dans le tout d'un coup, mais dans un livre il faut avancer. Quelques fois abandonner un petit peu de réaliste pour ne pas perdre le lecteur. Avec ce livre, j'ajoute Florence Hinckel dans mes auteurs favoris (après avoir lu U4.YANNIS). Je pense pas trop en rajouter car beaucoup de choses ont été dites pendant l'échange. On sent en tout cas le travail de l'auteur. Par rapport au manque de douceur que tu reproches, personnellement je sens une tombée de la dramatisation théâtrale avant la fête d'Halloween. Oui il se passe de qu'il se passe, Paul fait le con (Iris devait s'y attendre, cela arrive en vrai et je connais beaucoup d'ados/ex-ados qui peuvent en témoigner) et oui il y a la chute du balcon. Théâtrale, peut-être un peu, ce que j'ai trouvé le plus mise en scène, c'est la reconversion de Rebecca dans son YouTube, un effet 'le changement du jour au lendemain', le truc 'on fait ce qu'il nous plait et basta'. J'ai un peu titillé sur ça mais c'est passé. Quand à la toute fin, quel beau cliffhanger ! Je pense comprendre ton trop théâtre mais l'ambiance du livre coupe le vin avec de l'eau je trouve, c'est pas non plus un Shakespeare, mais plutôt des claques dans des vies douces ^^ Je suis un peu fatigué donc je crois que j'ai du répéter quelques trucs et que j'ai dû pas être très clair mais je suis content de pouvoir t'exprimer mon ressenti ^^ J'adore ton blog bonne continuation ;)

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