"Je me dis parfois que chacun d’entre nous a une tragédie qui le guette."


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Par Robyn Schneider
Aux éditions Gallimard Jeunesse
304 pages
16,90 €

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                « Je me dis parfois que chacun d’entre nous a une tragédie qui le guette » lance Ezra dès la première ligne du roman. Déjà se mêle dans ses mots trébuchants un cynisme responsable et une peur poétique, cette peur qu’on étale de mots qu’on a juste envie d’écrire, un brin lucide, un brin fantasque, un brin hâbleur. En fait, si on essaye d’échapper à notre tragédie personnelle toute notre vie, peut-être se trompe-t-on sur celle-ci. Notre tragédie personnelle existe-t-elle, a-t-elle existé déjà ? Si ce livre nous met sur le chemin de telles réflexions maîtrisées avec brio même si parfois maladroites, l’auteure semble nous guider sur de plus vastes chemins qui viennent à se questionner sur ce qui entoure ces tragédies chatoyantes. Une tragédie est déterminée depuis le départ par une épée de Damoclès qui tombera à un moment ou à un autre.  Ici chacun a un moment tragique, mais la raison en est dramatique. En fait, reste-t-on maître de notre destin ? Robyn Schneider semble suggérer que quelque chose de grand nous échappe, tant humainement, que temporellement.

                Ezra, le héros, est devenu populaire au fil des années, sans vraiment le voir venir, il s’est haussé peu à peu au sein du lycée en haut d’une échelle sociale scolaire cruelle et parfois caricaturale. Si la romancière dépeint de monde avec tact, elle n’échappe pas aux clichés dans lesquels elle tombe malheureusement avec maladresse. Parfois trop poussés, ces déséquilibres sociaux qu’on peut trouver au sein des lycées sont ainsi déstabilisants tant la vie lycéenne ne semble rythmée que par cela et que ce milieu ne comprend de personnes que trois classes : les populaires, les loosers et ceux au milieu, le commun des mortels. Finalement, l’auteure va créer ses personnages autour de cela et plonge dans des clichés qu’on ne peut s’empêcher de noter : la blonde idiote séductrice, les mecs virils et rois, le jeune qui se fiche de ce qu’on pense de lui, au style vestimentaire rétro et chic, gay et amical, la jeune fille bizarroïde mais magnifique à se damner, et bien d’autres… Robyn Schneider n’échappe donc pas à certains mécanismes un peu rouillés qu’on note mais qu’on oublie parfois. En effet si ces personnages sont parfois caricaturaux ils ne le sont pas toujours et la psychologie qui est fouillée dans ce roman dénote le tout, nous séduit. Ezra, malgré sa déchéance sociale classique avec au bout une nouvelle bande d’amis et un caractère démarqué, nous montre une réflexion sur la vie, les tragédies personnelles et une évolution poussée. On peut être détruit et se reconstruire, sans pour autant être poussé par les autres. On peut décider de qui on veut être, et on choisit toujours qui on est et ce qu’on veut montrer aux autres. En un sens, c’est ce qui marque dans ce roman. On suit un personnage fort, marqué, et qui se reconstruit peu à peu, perdu. Il va évoluer, rencontrer des gens et grandir. C’en est touchant. Enfin, si les autres personnages nous laissent une marque sensiblement indélébile à la fin de ce roman, de Toby, plein d’humour sarcastique et d’amour émaillé, à Phoebe, sensible, douce et fragile, on retiendra aussi Cassidy, avec un goût amer, une philosophie bouleversante et un humour d’auto-défense touchant face à un monde parfois trop cruel.

                Ainsi, l’histoire présente Ezra qui, après un accident de voiture, doit refaire une vie, sans tennis, sans popularité, et avec un abandon cuisant qui le pèse. C’est l’histoire touchante et aussi hilarante d’une reconstruction, d’un apprentissage, de questionnements. C’est aussi une histoire d’amour tendre que l’auteure mène avec un humour parfois doux, parfois au cri hâlé qui fait chaud au coeur. Robyn Schneider mène dans les deux cas ses idées au bout : elle réussit à nous construire et reconstruire un personnage sincère et troublant, torturé avec tact et qui nous torture à notre tour. En fait on suit l’évolution d’un cœur brisé qui veut juste vivre. Que cherche-t-il au final ? Qui est-il ? On retrouve dans ce personnage amer-sucré nos peurs de tout perdre, notre envie d’amour fou, et notre aptitude à se retrouver. On y retrouve notre fragilité et notre virulence envers des mondes qui nous sont opposés et qui nous font peur. Et Robyn Schneider invente en parallèle une romance sensible et drôle, dans laquelle on se retrouve aussi, avec cette séduction rêche qui nous renvoie à notre propre histoire.

                Robyn Schneider écrit donc un récit moderne avec un humour acerbe aiguisé qui touche et fait rire, et des mots doux et parfois crus qui rendent la réalité de la vie, du lycée, des personnages et de leurs émotions. Malgré cela le récit reproduit des mécanismes déjà vus qui, même s’ils fonctionnent, laissent parfois un mauvais goût dans la bouche. On ne peut s’empêcher de le comparer à John Green ou Elizabeth Laban : un personnage étrange et mystérieux, un univers drôle et touchant, une tragédie de la vie qui touche et fait mal, des situations qui reviennent, originales et appartenant aux personnages… Alors si Robyn Schneider saisit par son écriture alarmante et vive, nous remue par son humour émouvant et nerveux, elle suit un schéma narratif parfois trop vu.

                L’histoire se poursuit toujours avec ce cynisme et cet humour vrai et sincère, et la fin, saisissante, nous affecte autant qu’elle nous bouleverse. Elle ne déçoit pas, elle est fidèle à la vie, par sa force, sa vérité et sa philosophie. On relâche notre héros face à une nouvelle vie qui s’offre à lui et à l’aube de laquelle il palpe un terrain qui nous touche, à l’aube de laquelle il écrit des mots forts à la vérité chevrotante. Et même si on a besoin des autres pour se reconstruire ou se construire, on est parfois seuls face à nos choix.

                En conclusion, Robyn Schneider nous propose un récit vif, au cynisme et aux sarcasmes hilarants, et à l’histoire touchante et sincère. Mis en relief par des vérités profondes, les personnages nous rappellent ce qu’on est, ce qu’on a été, ou ce qu’on veut être, dans une fragilité humaine virtuose et une vivacité chancelante. On ressort différents de ce livre, malgré les points faibles on ne peut s’empêcher de s’attacher à cette histoire passionnante et aux émotions peu criardes, mais toutes en douceur, en sincérité et en puissance.

              

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- Des personnages vraiment attachants
- Une intrigue avec suspens et rebondissements
- Une écriture pleine d'humour et de talent

◄►◄►◄ LES - ? ►◄►◄►
- Quelques clichés

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Un livre aux émotions peu criardes, mais toutes en douceur, en sincérité et en puissance.

Une musique ?
Humour, joie, amour, rupture, désordre...




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Commentaires

  1. Il a l'air vraiment beau à découvrir, je prends note :D !

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  2. Une lecture très touchante que j'ai beaucoup aimé ! La fin est vraiment stupéfiante ;) j'ai le même avis que toi ;p

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  3. Wow magnifique ton avis !!! J'ai juste envie là là... C,est d'aller chez le libraire me le procurer !!! Je note c'est certain :-)

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